« Réflexions à propos de la complémentarité des enseignements de langues vivantes avec les autres matières en série ES », par Sylvestre Vanuxem, Président de l’APLV

samedi 24 novembre 2007
 Sylvestre VANUXEM

Ce texte a été lu lors d’une table-ronde sur la complémentarité des enseignements en série ES dans le cadre du Congrès de l’Association des Professeurs de Sciences Economiques et Sociales le 17/11/2007 à l’Université de Paris-Dauphine.

La notion de complémentarité avec les autres matières fait partie intégrante des enseignements de langues vivantes, d’une part parce que les professeurs de langues n’enseignent pas de contenus, mais un vecteur de communication qui, en situation réelle, contribuera à l’échange d’informations dans des domaines particuliers, ou, en milieu scolaire, pourra être mis au service d’autres matières, à condition que la concertation entre professeurs évite de transformer la complémentarité en redondance. D’autre part parce que l’ouverture vers d’autres pays et d’autres cultures est un des objectifs essentiels de l’enseignement d’une langue en France et qu’une certaine connaissance des autres pays est nécessaire à la compréhension de notions enseignées dans les autres matières.

Au-delà de ces deux aspects, la complémentarité intervient aussi au niveau des enseignants eux-mêmes, les professeurs de langues pouvant aider leurs collègues à mieux comprendre ou à produire des documents en langue étrangère dans le cadre de la préparation de leurs cours, de leurs recherches ou leur enrichissement personnel.

Réciproquement, les professeurs de langues peuvent faire appel à leurs collègues d’autres matières pour obtenir des renseignements dans les mêmes cadres. Notons que dans tous ces aspects, la complémentarité entre les enseignements de langues et ceux de sciences économiques et sociales est particulièrement nette.

En classe de première et de terminale, les conditions de mise en oeuvre de cette complémentarité existent, là aussi, c’est particulièrement vrai en série ES, ce qui plaide déjà en faveur du maintien de son maintien.
Malgré leur suppression en terminale, les TPE réalisés en première permettent aux élèves de faire jouer la complémentarité entre les enseignants de langues et ceux des autres matières.

Les candidats au baccalauréat des séries L et ES peuvent passer une épreuve en langue vivante 1 « de complément » après avoir reçu un enseignement plus conséquent dans cette discipline.

Dans les sections européennes, des contenus sont enseignés en langue étrangère. Selon les disponibilités, il est d’ailleurs possible que ces contenus concernent les sciences économiques et sociales. Ces enseignements nécessitent évidemment un travail de concertation de la part des professeurs.

Ces conditions ne concernent malheureusement pas tous les élèves, car tous les professeurs de langues ne sont pas impliqués dans des TPE, tous les élèves des séries ES ne choisissent pas la LV1 « de complément » et les sections européennes, même si elles sont présentes dans la plupart des établissements, ne concernent qu’une minorité d’élèves.

Pourtant, on pourrait aller encore plus loin en matière de complémentarité langues/ autres matières compte tenu des dernières évolutions en matière d’enseignement des langues.

Les programmes de lycée on été révisés pour toutes les séries et sont désormais établis en fonction du Cadre Européen Commun de Référence. Par contre, les épreuves actuelles du baccalauréat n’ont elles pas été modifiées pour tenir compte de ces changements, sauf pour les sections STG.

Si les nouvelles épreuves de langues du bac STG doivent servir de modèle à celles des autres séries, le passage anticipé de certaines épreuves de langues (la compréhension audio et la production orale par exemple) sera généralisé.

Le CECR permet une évaluation tout au long de la période d’apprentissage d’une langue. Dès lors qu’un niveau de compétence à atteindre a été fixé en début de scolarité et que des épreuves anticipées auront vérifié que ce niveau a été atteint pour les compétences de communication, il deviendra possible pour les élèves de consacrer leur temps à d’autres apprentissages, comme de nouvelles langues (n’oublions pas qu’en série ES, la connaissance de plusieurs langues est un atout, non seulement pour une future vie professionnelle mais pour permettre un ouverture vers un maximum de cultures) mais aussi de contenus d’autres disciplines, généralisant ainsi ce qui se pratique en sections européennes.

Les élèves qui arrivent actuellement au lycée ont en majorité débuté l’apprentissage d’une langue à l’école primaire. Doit-on encore leur apprendre les langues de façon isolée, surtout s’ils ont fait le choix d’une filière ? Ne peut-on pas en profiter pour les remotiver à ce stade en faisant justement jouer la complémentarité entre les matières ?
Des épreuves finales du baccalauréat adaptées pourraient évaluer ces nouvelles compétences. Pourquoi ne pas s’inspirer de la « perspective actionnelle » selon laquelle les compétences en langues ne peuvent être correctement évaluées que par une mise en situation de communication. Le Diplôme de Compétences en Langues utilise ainsi une série de scenarii pour évaluer les compétences linguistiques. Ce mode de fonctionnement pourrait par exemple être adapté pour le baccalauréat ES où les scenarii permettraient de tester des connaissances en économie par le biais d’une langue étrangère à la fois à l’écrit et à l’oral.

D’autres perspectives existent. Les élèves français passant l’Abibac franco-allemand passent une épreuve d’histoire-géographie en allemand. Pourquoi pas à l’avenir une épreuve d’économie en allemand et dans d’autres langues puisqu’on envisage d’étendre ceci à d’autres pays.

Ce type d’évolution exige qu’on insiste sur la notion de complémentarité entre les matières dès la formation des enseignants en parlant de ce qui existe sur le terrain. Cela exige aussi que l’on donne aux enseignants le temps et les moyens de se concerter pour travailler ensemble.

Les conditions semblent être réunies. Une grande partie de ce qui se fait au lycée est conditionné par le baccalauréat, pour une fois, on a fait les choses dans l’ordre : on a d’abord révisé les programmes ensuite, on l’espère, on révisera les épreuves, ce qui offre des possibilités de travailler différemment.

Evidemment, tant que l’on n’envisagera pas la scolarité dans sa globalité (du primaire à la terminale), tant qu’on instaurera des systèmes à la va-vite pour les supprimer presque aussitôt (TPE), tant qu’on affirmera de façon péremptoire qu’une série du bac et donc les enseignements qui y sont principalement dispensés ne servent à rien, tant que la perception du rôle des enseignants sera faussée et tant qu’une gestion seulement comptable de l’éducation nationale prévaudra, ces réflexions pour un meilleur travail en complémentarité risquent malheureusement d’avoir peu de suites.

Sylvestre Vanuxem
Président de l’APLV


http://www.apses.org/