Revue de presse et réactions face aux déclarations de Luc Chatel : « de l’anglais à l’école "dès 3 ans" »

vendredi 28 janvier 2011

L’APLV a été invitée par plusieurs médias à donner son avis sur l’annonce que Luc Chatel a faite sur Europe 1 le 23 janvier 2011 concernant l’enseignement des langues, au cours d’une interview publiée (vidéo et analyse succincte) sur le site de la station sous le titre Chatel : de l’anglais à l’école "dès 3 ans"

Avant la publication prochaine sur notre site des positions de l’APLV sous la forme d’un texte plus détaillé que ces premières réactions limitées de facto au cadre imposé par les médias, voici une revue de presse sur le sujet.


« Contre-enquête » dans Le Monde daté du mercredi 26 janvier, un article de Maryline Baumard : L’apprentissage des langues progressent-ils en France ?

«  l’enseignement des langues est en train de devenir catastrophique. Luc Chatel l’a diminué au lycée, et il perpétue des épreuves de baccalauréat qui ne mesurent rien. surtout pas un niveau en langue », déplore Michel Morel de l’Association des Professeurs de Langues Vivantes.
« Trente élèves dans une classes deux à trois heures par semaine, trente-six semaines par an… calculez donc le temps de parole de chacun ! » s’agace Michel Morel. Cet enseignant ne croit pas à la révolution Chatel. « Ce sont des déclarations clownesques. Installer un enseignement en maternelle grâce aux nouvelles technologies est grotesque , s’étrangle-t-il
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Dans Le Figaro daté de mercredi 26 janvier, un article de Marie-Estelle Pech : Le casse-tête de l’anglais en maternelle

À Paris, en grande section de maternelle, les enfants scolarisés à Saint-Jean-de-Passy bénéficient actuellement d’une heure d’anglais par semaine dispensée par un intervenant étranger, moyennant un financement supplémentaire des parents. Ces exemples amusent Michel Morel, membre du bureau de l’Association des Professeurs de Langues Vivantes. « Ces écoles mettent des moyens importants dans l’apprentissage des langues vivantes, mais les parents qui peuvent se permettre de les payer sont rares. Comment peut-on envisager d’apprendre l’anglais à des bambins de 3 ans qui ont déjà des carences énormes dans leur propre langue ? À cet âge, les connaissances de vocabulaire en français varient déjà de un à six. Le risque, c’est de leur faire perdre pied », estime-t-il. S’il est favorable à l’idée « d’habituer l’oreille des enfants à d’autres sons, car leur cerveau est bien plus performant que celui d’un adolescent », il ne faut pas, selon lui, « commencer l’apprentissage d’une langue étrangère avant de savoir lire et écrire, c’est-à-dire vers l’âge de 6 ou 7 ans ».
Lire l’article en ligne sur le site du Figaro.


Dans Le Figaro daté de mercredi 26 janvier, un article de Marie-Estelle Pech : Éducation : plus d’anglais, moins de postes

Officiellement, selon le ministère de l’Éducation nationale, les élèves sont 99,9% à bénéficier d’un enseignement en langue entre le CE2 et le CM2 quand seulement 82% y ont droit en CE1. Aucun chiffre n’est disponible pour le CP, où les cours de langues sont encore rares, même si l’on évoque désormais un enseignement en maternelle !
À lire les tableaux chiffrés du ministère, la progression est importante puisqu’en 2008 seuls 72% des classes de CE1 avaient droit à un enseignement en langue et 9% en 2006. Mais tout dépend de quoi on parle.
[...]
Il existait, selon les chiffres de 2009, 65.009 enseignants du premier degré, dont 1.004 maîtres itinérants et 2 085 enseignants du second degré chargés de pallier les insuffisances en langues de leurs collègues. Les intervenants extérieurs représentaient alors 6,3% des personnels chargés des langues vivantes, soit un peu plus de 6.000 personnes. Leur nombre va chuter puisque le ministère a décidé de supprimer 1 000 postes en 2011. Pour que le taux d’initiation en langue augmente, les inspecteurs d’académie précisent désormais depuis cette rentrée que tous les enseignants sont désormais concernés, même s’ils n’ont pas l’habilitation requise. Au pire, leur dit-on, s’ils ne se sentent pas à l’aise, ils peuvent utiliser des cassettes ou Internet… « L’essentiel n’est pas le degré de maîtrise linguistique des enseignants dans telle ou telle langue. Il faut dédramatiser cela.
L’anglais est la langue la plus étudiée à l’école, puisque 89,3% des classes du secteur public bénéficient de l’enseignement de cette langue. L’allemand, malgré une légère baisse, maintient sa place de deuxième langue la plus étudiée à l’école avec 9,1% des groupes. Dans le privé, la part de l’anglais reste plus importante que dans le public (95%), la part de l’enseignement de l’allemand est de 6%. Ce constat ne manque pas d’inquiéter l’association des professeurs de langue vivante.
Lire l’article en ligne sur le site du Figaro.


Dans Le Figaro daté de jeudi 27 janvier, un article de Marion Brunet : Premiers cours d’anglais, les pratiques en Europe

Le Figaro fait le point sur l’apprentissage des langues vivants en primaire en Europe. L’Espagne est le seul pays où l’apprentissage d’une langue vivante à l’école débute avant l’âge de 5 ans.
Lire l’article en ligne sur le site du Figaro.


Apprendre l’anglais dès trois ans, une idée mal accueillie
De Emmanuel DEFOULOY (AFP)

PARIS — L’idée du ministre de l’Éducation nationale Luc Chatel, d’enseigner l’anglais aux enfants dès trois ans a suscité des réactions allant du scepticisme à la franche exaspération, au moment où des postes d’intervenants en langues doivent être supprimés en primaire.

Dimanche, M. Chatel a déclaré qu’il comptait "réinventer l’apprentissage de l’anglais", suggérant un enseignement dès trois ans, grâce notamment aux nouvelles technologies, et mettant l’accent sur le développement des cours à distance et des séjours à l’étranger, à d’autres stades de la scolarité.

Pour l’instant, l’enseignement de l’anglais à partir de trois ans n’existe que dans quelques écoles maternelles privées et/ou bilingues.

Certains enseignants, comme le secrétaire général du principal syndicat du primaire (SNUipp-FSU), Sébastien Sihr, imaginent un tel apprentissage pour peu qu’il soit très ludique, à base de petites chansons par exemple.

Les spécialistes, comme le linguiste Claude Hagège, professeur au collège de France, ou Michel Morel, de l’Association des professeurs de langues vivantes (APLV), jugent néanmoins que c’est trop tôt pour un véritable enseignement.

"Trois ans me paraît trop tôt. La langue maternelle, les structures phonétiques et grammaticales ne sont vraiment en place que vers cinq voire six ans", a dit au Monde M. Hagège, qui préconise en revanche l’apprentissage des langues étrangères, et même de plusieurs, à partir de cet âge-ci.

Du scepticisme chez les spécialistes, on passe à l’exaspération chez les internautes : à titre d’exemple, l’article du site lemonde.fr consacré à l’annonce du ministre a suscité près de 250 réactions, un nombre inhabituellement élevé, et pour une immense majorité à tonalité critique.

Trois types de messages dominaient nettement : c’est de la communication de la part du ministre, c’est contradictoire avec les suppressions d’intervenants en langues étrangères, et mieux vaut bien apprendre le français en maternelle.

"Quelle duplicité ! On supprime les intervenants en langues étrangères dans le premier degré et on fait miroiter l’apprentissage à la maternelle. De qui se moque-t-on ?", a écrit par exemple un internaute.

Ces intervenants, souvent des locuteurs natifs des pays de la langue enseignée, vont être les premières victimes des économies pour la rentrée 2011 : 75 des 120 suppressions de postes prévues en primaire dans l’académie de Versailles, la plus grande de France, vont par exemple les concerner, ou 103 sur 120 dans celle de Créteil.

Au total, le départ de 1.000 intervenants est prévu en 2011, selon un document de Bercy.

Pour les syndicats, comme le SNUipp, l’annonce du ministre tient d’autant plus de "l’absurde" que "la généralisation" de l’enseignement de l’anglais "n’est pas achevée dans l’école élémentaire", où les élèves du CE1 au CM2 en ont normalement 54 heures annuelles depuis 2008.

"Au vu des chiffres avancés par le ministère, oui, tous les élèves ont ces 54 heures. Mais au vu de la perception du terrain, c’est moins sûr", a expliqué à l’AFP Guy Barbier, du syndicat SE-Unsa.

Si tous les professeurs des écoles sont désormais censés être concernés par cet enseignement, certains préfèrent mettre l’accent sur les fondamentaux (français et mathématiques), d’autres ne se trouvent pas à la hauteur.

"La qualité de la formation des professeurs des écoles est en effet différente suivant le cursus universitaire choisi, selon que vous ayez un master d’anglais ou que votre accent soit à couper au couteau", a commenté M. Barbier.

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