Réaction de l’APLV au rapport de la fondation Terra Nova sur le baccalauréat

vendredi 29 juillet 2016

La fondation Terra Nova a publié le 15 juin un rapport intitulé « Comment sauver le bac ? »

L’objectif de la refonte de l’examen proposée est la simplification des épreuves dans le but de rendre le bac à la fois moins onéreux et plus efficace. L’idée principale est l’organisation des classes de 1re et terminale en quatre semestres, deux de ces semestres se concluant par deux épreuves certificatives chacun, en français, philosophie et deux autres matières au choix du candidat.

Il est sans doute nécessaire de simplifier l’organisation du baccalauréat et de le rapprocher des types de certification étrangers (le rapport analyse en particulier ceux en vigueur en Angleterre-Pays de Galles et en Finlande), qui permettent aux candidats de choisir certaines matières et d’en abandonner d’autres afin de construire des parcours cohérents, tout en maintenant un enseignement général, garant de la capacité d’adaptation des futurs étudiants à leurs cursus.

Cependant, ce rapport a de quoi inquiéter les linguistes. D’abord, le mot « langue » est souvent utilisé au singulier (p.2, p.17), et lorsque le rapport l’emploie au pluriel (p.8), c’est pour se gausser des 57 langues acceptées en LV1 au baccalauréat actuel. Ensuite, dans un système d’évaluation limité à quatre épreuves, dont deux imposées, quelle place serait laissée aux langues (comme aux sciences ou à l’EPS, d’ailleurs) ? Peu de candidats choisiraient de passer une épreuve de langues vivantes, et presque aucun n’en passerait deux. Une telle mesure limiterait de manière dangereuse les possibilités de choix et d’ouverture culturelle des lycéens français, et limiterait massivement l’éventail des langues qui leur sont proposées.

Le rapport donne un exemple extrêmement inquiétant, celui du parcours « utile » que pourrait effectuer un lycéen se destinant à des études de médecine (p.20). Par rapport à un lycéen de série S d’aujourd’hui, cet élève recevrait un enseignement doublé en philosophie (216 heures contre 108), sensiblement abondé en sciences expérimentales, mais singulièrement réduit en langues (216 heures contre 306).

Il est stupéfiant qu’une fondation comme Terra Nova, animée par le désir d’adapter le système éducatif français aux exigences du monde d’aujourd’hui et de demain, manifeste une vision aussi anachronique de la nécessité des langues vivantes. Réduire encore davantage l’apprentissage des langues dans les classes de second cycle, c’est aller à l’encontre des besoins fondamentaux d’expansion économique et culturelle de la France. Comment des penseurs qui se disent progressistes peuvent-ils s’enfermer sans se poser de questions dans une vision franco-française, qui rendrait l’enseignement des langues presque décoratif ? L’APLV ne peut que rappeler sa conviction, fondée sur une longue expérience de l’enseignement et de l’apprentissage des langues, que la France ne pourra jouer son plein rôle en Europe et dans le monde qu’en manifestant sa capacité à former des jeunes capables non seulement d’employer un anglais basique pour des actes de la vie quotidienne, mais aussi de connaître intimement la langue et la culture de plusieurs pays étrangers. Pour pouvoir se développer de manière efficace, l’enseignement des langues a besoin d’une exposition longue et fréquente à la communication en langue cible. Une réduction de l’horaire, déjà insuffisant, dévolu aux langues vivantes en 1re et en terminale, et la disparition ou quasi-disparition de langues moins enseignées seraient catastrophiques pour le pays. On ne peut imaginer que cela est le souhait de la fondation Terra Nova, que nous appelons vivement à amender son projet pour le baccalauréat dans le sens de l’intérêt des lycéens et de la nation.