La note du président - N°4/2016 des « Langues Modernes », par Jean-Marc Delagneau

lundi 5 décembre 2016

Ce numéro des Langues Modernes est le dernier de l’année civile 2016 et de l’abonnement annuel. Je saisis l’occasion pour vous inciter à renouveler votre adhésion à l’APLV et votre abonnement à la revue de l’APLV.
2017 avec toutes les incertitudes, au niveau mondial, européen et national, liées aux votes déjà intervenus dans la période récente ou à venir, soulignera encore une fois la nécessité de tout mettre en œuvre pour favoriser, voire même rétablir quand elle s’est amenuisée au fil des temps, la compréhension, le dialogue, et la solidarité entre tous les habitants d’un monde désormais de plus en plus interconnecté.
La primauté dévolue à la globalisation des échanges économiques et des marchés financiers a négligé en très grande partie toutes les dimensions non marchandes inhérentes à la pluralité des civilisations et des langues vivantes, au travers des tentatives pour les gommer artificiellement ou pour en conserver une petite part rentable économiquement. Les risques de conflits qui en résultent actuellement, aussi bien à l’intérieur des états qu’entre états, indiquent l’urgence de mettre l’apprentissage des langues vivantes et civilisations, étrangères et régionales, avec toutes les valeurs et compétences qu’elles transmettent, pour permettre un « vivre ensemble » dans la paix, au rang de priorité nationale, européenne, ainsi que mondiale au travers d’organismes comme l’Unesco.
L’APLV, fidèle à ses objectifs depuis sa création en 1902, continuera d’œuvrer en ce sens, partout où elle le pourra, avec les modestes moyens que lui ont accordé au fil des années, la reconnaissance de ses compétences scientifiques et pédagogiques, l’engagement de ses instances et, en premier lieu, le soutien de ses adhérents.
La numérisation, puis l’accessibilité depuis peu sur le site Gallica de la Bibliothèque Nationale de France, de la collection des anciens numéros des Langues Modernes, de l’origine à 2003, atteste cette volonté de l’APLV depuis plus d’un siècle, tout en ouvrant aux chercheurs, comme aux enseignants, actuels ou futurs, une mine de réflexions théoriques, d’expériences pratiques, et d’informations. Je saisis l’occasion pour remercier encore une fois au sein de l’APLV les chevilles ouvrières de cette importante opération fort chronophage, ainsi que les responsables concernés de la BnF.
J’ai représenté l’APLV cet automne au groupe de pilotage de la prochaine Semaine des Langues Vivantes, qui sera organisée au printemps prochain par le Ministère de l’Éducation Nationale, et j’espère qu’elle sera plus consistante et plus médiatisée que la première formule passée quasiment inaperçue cette année. Cette participation s’inscrit aussi dans la perspective de redonner à toutes les langues vivantes étrangères et régionales enseignées dans notre pays l’attractivité et la place qu’elles méritent dans le système éducatif, avec toute leur valeur éducative et non seulement utilitariste, alors que leur présence et leur apprentissage sont de plus en plus conditionnés par le choix des élèves et de leurs familles, très souvent en l’absence de véritables critères objectifs.
Les récentes réformes des enseignements et des programmes de langues vivantes étrangères et régionales mises en place pour le collège, ainsi que celles projetées actuellement pour le lycée au travers des différentes propositions émanant de divers courants politiques impliqués dans la préparation des prochaines élections présidentielles et législatives, nécessitent, au-delà des critiques constructives déjà émises par l’APLV, une réflexion approfondie sur la nature des enseignements de langues vivantes dans le second degré. Après une journée d’étude consacrée l’an dernier à la situation des langues vivantes étrangères et régionales dans l’enseignement primaire, avec le SNUipp, l’APLV s’associera donc en mars prochain à une journée d’étude commune avec le SNES, à Paris, sur leur situation dans le secondaire. Elle mettra au centre des débats la liberté pédagogique des enseignants, souvent mise à mal par certaines approches relevant du débat politique ou d’une interprétation restrictive au niveau institutionnel d’indications ou de ressources, non contraignantes par essence. La participation de nombreux collègues du secondaire à ces débats devrait contribuer à l’expression d’une position commune émanant à la fois de la recherche et du terrain.
La thématique de cette livraison des Langues Modernes, coordonnée par nos éminents collègues Maria-Alice Medioni et Jean-Paul Narcy-Combes et consacrée à l’Éthique en Langues, s’inscrit pleinement dans toutes ces problématiques actuelles. Elle se place également dans la continuité des réflexions émises à ce sujet par l’APLV depuis sa création, époque où se construisit l’Éducation Nationale, alors Instruction Publique, et où l’un des ses artisans les plus importants, Ferdinand Buisson, soulignait la dimension de l’éducation morale pour l’enseignement dans son Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire (1882-1911). Je vous en souhaite une excellente lecture.