Vérités et contre-vérités dans un article de « L’Étudiant » sur le recrutement des enseignants : « Enseignement des langues : l’anglais offre le plus de places »

mercredi 24 juin 2009
 Michel MOREL

Extrait :

« Le constat est bien connu : la France doit faire un effort sur l’enseignement des langues. Des mesures ont été engagées (dédoublement des classes en collège, introduction des langues vivantes dès le premier degré…). L’anglais en a profité, qui préserve un petit millier de postes en 2008, mais tend à l’hégémonie. Malgré l’éventail de langues pour lesquelles des postes sont ouverts au CAPES et à l’agrégation, l’anglais représente les deux tiers des postes en langues. L’anglais, l’allemand et l’espagnol en concentrent près de 95 %.

Dans un souci de maintenir une certaine diversité linguistique, quelques langues délaissées (le russe, le portugais, mais aussi l’italien et l’allemand) sont soutenues. Conséquence : même si le "stock" des profs d’allemand et d’italien est plus élevé que les besoins, les recrutements se poursuivent. »

Lire l’article complet.

Commentaires :

Emmanuel Vaillant, l’auteur du dossier, aurait été bien inspiré de se renseigner avant de le publier.

1. Contrairement à ce qu’il affirme, il n’y a pas eu de dédoublement des classes de langues en collège.

2. Dire que les langues qu’il cite sont « délaissées » sans analyser les raisons pour lesquelles l’effectif de certaines d’entre elles ont fondu en quelques années (p. e. effets pervers de la dotation horaire globale) est proche de la mystification.
En outre, pour l’italien au moins, l’affirmation est fausse. Le nombre d’élèves qui étudient cette langue n’a cessé d’augmenter en valeur absolue et relative jusqu’en 2006. Depuis cette date, le tassement de son effectif est proportionnel à celui de l’effectif global des élèves du second degré.

3. Laisser entendre qu’elles (au pluriel) sont soutenues est une contre-vérité caractérisée. Les dirigeants actuels du ministère de l’Éducation nationale ne cessent de faire des déclarations et de prendre des mesures, d’ailleurs tout à fait contestables et contestées, en faveur de l’anglais.
Voir ici et pour constater qu’on se propose de ne renforcer que l’apprentissage de l’anglais, aussi bien au collège qu’au lycée.
Le plus fort est qu’un autre article de L’Étudiant reprend à son compte une contradiction aveuglante de la circulaire de rentrée 2009 qui montre bien quelle est la réalité du soutien dont il est question ici. Je cite en soulignant :
« Le ministère veut améliorer la pratique des langues vivantes. Il va donc développer les stages d’anglais oral intensif gratuits proposés pendant les vacances depuis le mois de février 2009. Si les stages sont encadrés prioritairement par des professeurs volontaires, les étudiants étrangers, les personnes natives de pays anglo-saxons, les assistants étrangers, etc. peuvent offrir leurs services sur le site de recrutement en ligne : www.recrutlangues.education.fr. »

4. La dernière affirmation est fausse pour l’italien. Le nombre de précaires, vacataires et contractuels, n’a cessé d’augmenter au cours de la dernière décennie et le manque de professeurs titulaires dans cette discipline est un frein à son expansion. Il est actuellement difficile de trouver des remplaçants en cas de congé maladie ou de maternité.

On ne peut que remercier L’Étudiant de s’intéresser au recrutement des enseignants de langues, mais il est à craindre qu’un article de ce type n’aille pas tout à fait dans le sens de l’« effort à faire sur l’enseignement des langues », qu’Emmanuel Vaillant semble pourtant souhaiter lui-même.

Michel Morel


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