Appel à contributions pour le n° 1/2019 des Langues Modernes : « L’approche intermédiale en enseignement-apprentissage des langues vivantes »

samedi 20 janvier 2018

 
 

Coordination : Emmanuelle Garnier et Émilie Lumière

Calendrier :
- Propositions d’articles à la coordonnatrice et à la rédactrice en chef : 30 avril 2018
- Réponse aux auteurs (acceptation ou refus) : 7 mail 2018
- Retour des tapuscrits à la coordinatrice et à la rédactrice en chef : 16 juillet 2018
- Comité de lecture : septembre 2018
- Retour des textes finalisés : 15 janvier 2019
- Publication du numéro : mars 2019

Contacts : Emmanuelle Garnier : garnier@univ-tlse2.fr, Émilie Lumière : emilie.lumiere@univ-tlse2.fr, Émilie Perrichon : redaction.languesmodernes@gmail.com

Orientation du numéro :
Les médias sont aujourd’hui omniprésents dans l’enseignement-apprentissage d’une langue étrangère. Qu’il s’agisse de l’usage de matériels audio ou vidéos, d’images fixes, d’outils informatiques, de ressources offertes par Internet ou d’espaces de cours en ligne, propres à un établissement, associés à une classe en présentiel, les médias sont au cœur des pratiques pédagogiques des enseignants de langue. La situation d’ « intermédiaire » est bien sûr la clé de voûte de toute situation d’enseignement-apprentissage, que le phénomène soit celui d’une « médiatisation », lorsque les connaissances sont transmises ou acquises à travers des moyens techniques ou technologiques, ou simplement d’une « médiation », lorsque l’on envisage plus largement le rôle de l’individu comme passeur de savoirs [1]. Partant d’une définition simple de la « médiation », soit le « fait de servir d’intermédiaire entre deux ou plusieurs choses » (Trésor de la Langue Française informatisé), nous considèrerons la « médiatisation » comme un synonyme de « médiation technique » ou « technologique », complémentaire de la « médiation humaine ».
Les concepts de « média », « médiation » et « médiatisation » ont donné lieu à de nombreux travaux en didactique des langues [2], qui pourraient être complétés, revisités ou prolongés à la lumière de notions telles que celles de « milieu », de « matérialité », de « transfert », d’« opacité », de « transparence » ou de « convergence », autant de notions explorées par les études intermédiales. Plusieurs de ces termes ne sont pas étrangers aux didacticiens qui en ont parfois fait usage [3]. Il nous semble que l’approche intermédiale peut être éclairante car elle systématise l’appréhension des médias et de tout phénomène de médiation, humaine ou technique, à partir de leur matérialité et des relations que ces médias et médiations établissent avec leur milieu, soit leur contexte proche ou éloigné (environnement direct, institution, société, histoire, etc.).
Nous privilégierons ici l’une des définitions de l’approche intermédiale – aussi appelée « intermédialité » – présentée par Rémy Besson dans sa synthèse de 2014 :
« Le préfixe inter désigne alors le fait d’étudier ce qui advient entre les trois aspects du média : inscription sensible, support et milieu. S’il s’agit donc, évidemment, de créer des liens entre ces trois pôles, cette manière d’approcher les médias revenant ainsi à créer des écarts, faire apparaître des béances, identifier des frontières. Le préfixe inter désigne également le fait d’étudier ce qui se joue à l’articulation entre différents médias constitués. Il s’agit d’étudier les différentes façons dont des relations se développent entre des formes qui proposent (déjà) une mise en relation entre des individus. [4] »
L’enjeu de l’analyse des médias et des phénomènes de médiation technique ou humaine à l’œuvre dans un environnement d’enseignement-apprentissage dépasse le cadre strictement pédagogique de l’acquisition de connaissances et de compétences, et nous invite à repenser le « vivre ensemble » dans le microcosme de l’établissement et au sein de la société :
« Johanne Villeuneve questionne de manière provocatrice : « Ne faut-il pas alors prendre le problème frontalement, en liant la matérialité des médiations humaines (les supports, mais aussi les dispositifs techniques) à l’idéal de la médiation qui consiste à “vivre ensemble” ? » L’idée à la base de cette réflexion est qu’en déplaçant son regard du contenu d’une inscription sensible à la forme prise par celle-ci en fonction d’un contexte (interdiscursivité), puis aux relations entre ces formes, il est possible de dégager de nouvelles interprétations concernant la manière dont nous communiquons et vivons ensemble. Le média acquiert alors une dimension politique, au sens où il participe à l’organisation de la vie de la cité ; il est ce qui rend possible le déroulement d’une expérience partagée. Il est le ferment de la constitution des liens de la communauté (ou du groupe). L’approche intermédiale consiste alors à considérer des formes complexes constituées d’une inscription sensible particulière (une lettre, un livre, un texto, un film, une BD, un site internet) qui prend forme sur un support médiatique (pierre, papier, écran) et qui prend place dans un milieu (une société donnée avec ses normes à un moment précis). [5] »

L’approche intermédiale s’est emparée et a défini de multiples concepts pouvant s’avérer fructueux pour l’analyse des médias et des médiations dans le cas de l’enseignement-apprentissage d’une langue seconde. Nous reprenons ici ceux qui nous semblent essentiels, à partir de la synthèse de Rémy Besson :
- média : entendu comme « production culturelle singulière », comme « série culturelle » (voir à ce sujet les travaux d’André Gaudreault) ou plus largement comme « moyen » « qui rend possibles des échanges entre les membres d’un groupe » (voir Éric Méchoulan)
- le milieu, envisagé comme contexte, institution, société, etc.
- la matérialité du support, ce dernier pouvant être interprété comme support technique ou humain (langage, corps)
- l’intermatérialité, qui s’attache à analyser la matérialité des médias, ses effets de sens et son inscription dans l’histoire des médias
- la coprésence, qui est la « présence au sein d’un artefact donné de formes relevant, au départ, de médias différents »
- la médiativité (voir André Gaudreault et Philippe Marion) qui correspond aux « capacités propres aux médias », leur capacité à « représenter »
- le multimédia, un « type d’artefacts dont l’interface anticipe la présence de plusieurs médias »
- la convergence médiatique, « qui se traduit notamment par une plus grande fluidité des différents types de formes médiatiques »
la présence intramédiatique, lorsque « la production intégrée dans l’artefact relève du même média »
- la résistance médiatique d’un média qui tendra à accueillir un type de contenu plutôt qu’un autre
- la notion de transparence d’un média, quand celui-ci « se fait oublier », ou, à l’inverse, la notion d’opacité quand la présence du média est telle que le message est en partie au moins masqué par le média lui-même (la notion d’opacité est liée à celle d’hypermédialité, présence manifeste d’un média)
- le transfert, comme processus à partir duquel un contenu ou une matérialité passe d’un média à un autre (adaptation, etc.)
- l’émergence, soit la « formation de nouveaux médias »
- la remédiation, c’est-à-dire le redéploiement d’un média sous une autre forme médiatique (voir à ce sujet Jay David Bolter et Richard Grusin)
les notions d’usagers et de spect-acteur
- l’environnement médiatique
- l’institution, utilisée selon les travaux de Michel Foucault

À partir de ce numéro de la revue Les Langues modernes, nous nous proposons de créer un espace de rencontre entre la didactique des langues et l’intermédialité, pour mieux comprendre le phénomène du cours de langue étrangère dans la place qu’il donne, peut donner – doit donner ? – aux médias et à tous les phénomènes de médiations, techniques ou humaines. Cette publication ne vise pas seulement à constituer une somme de connaissances, mais, aussi, de façon pragmatique, à favoriser une prise de conscience systématique de ces phénomènes médiatiques au profit d’un enseignement d’une langue étrangère. En somme, que peuvent apporter les concepts des études intermédiales à l’analyse d’une situation pédagogique ou comment peuvent-il contribuer à la création d’activités plus personnalisées, plus efficaces, plus proches des attentes des apprenants, enseignants, institution et société ?
Sont attendues des analyses théoriques ou des analyses d’expériences ou de projets pédagogiques depuis une approche intermédiale, c’est-à-dire en appréhendant la spécificité des médias et des phénomènes de médiation par une étude faite de leur matérialité, des relations qu’ils tissent et de leur rapport au milieu dans lequel ils s’inscrivent.

Trois axes sont proposés :
1. Analyse des usages et des enjeux des médias en classe de langue, en examinant leur matérialité, les médiations qu’ils établissent avec d’autres médias ou d’autres objets ou sujets de la classe, de façon synchronique ou diachronique, et le rapport qu’ils entretiennent ou configurent avec le milieu dans lequel ils s’inscrivent (espace de la classe, établissement, institution, société).
2. Études générales de toutes les formes de médiations à l’œuvre dans un cours de langue (relations entre individus et dispositifs techniques ; relations entre membres d’un groupe par le moyen d’un média ou par l’intermédiaire d’un individu), en donnant une importance particulière à leur matérialité et à leur relation avec le milieu dans lequel elles s’opèrent.
3. Contributions portant sur l’émergence de médias liés à la classe de langue étrangère : cet environnement spécifique a-t-il donné lieu à des médias particuliers (manuels, outils audio ou vidéo, etc.), quelles en sont les propriétés, l’histoire, les atouts et les limites ?

Bibliographie indicative :
Besson, Rémy, « Prolégomènes pour une définition de l’intermédialité à l’époque contemporaine », 2014, hal.archives-ouvertes.fr/hal-01012325v1/document
Gaudreault, André, Cinéma et attraction, Pour une nouvelle histoire du cinématographe, Paris, CNRS Éditions, 2007.
Méchoulan, Éric, « Intermédialités : le temps des illusions perdues », Intermédialités, n° 1 : naître, 2003, p. 9-27, erudit.org/fr/revues/im/2003-n1-im1814473/1005442ar.pdf
Mariniello, Silvestra, « L’intermédialité : un concept polymorphe », dans Rio Novo, Isabel et Vieira, Célia, Inter Média. Littérature, cinéma et intermédialité, Paris, L’Harmattan, 2011, p. 11-30.
Müller, Jürgen E., « Vers l’intermédialité : histoires, positions et options d’un axe de pertinence », Médiamorphoses. L’identité des médias en questions, n° 16, 2006, p. 99-110, documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/23499/2006_16_99.pdf ?sequence=1
Larrue, Jean-Marc, « Théâtre et intermédialité : Une rencontre tardive », Intermédialités : histoire et théorie des arts, des lettres et des techniques / Intermediality : History and Theory of the Arts, Literature and Technologies, n° 12, 2008, p. 13-29, www.erudit.org/fr/revues/im/2008-n12-im3626/039229ar/
Lesage, Marie-Christine, « Théâtre et intermédialité : des œuvres scéniques protéiformes », dans Roques, Sylvie (dir.), Communications : Théâtres d’aujourd’hui, n° 83, 2008, p. 143, persee.fr/doc/comm_0588-8018_2008_num_83_1_2483
Müller, Jürgen E., « L’intermédialité, une nouvelle approche interdisciplinaire : perspectives théoriques et pratiques à l’exemple de la vision de la télévision », Cinémas : revue d’études cinématographiques / Cinémas : Journal of Film Studies, vol. 10, n° 2-3, 2000, p. 105-134, www.erudit.org/fr/revues/cine/2000-v10-n2-3-cine1881/024818ar/
Gaudreault, André et Marion, Philippe, « Transécriture et médiatique narrative. L’enjeu de l’intermédialité », dans Gaudreault, André et Groensteen, Thierry (dir.), La Transécriture. Pour une théorie de l’adaptation, Québec/Angoulême, Nota Bene/Centre national de la bande dessinée et de l’image, 1998, p. 31-52.

Consignes aux auteurs.

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[1Sur cette distinction terminologique, voir : Guichon, Nicolas, « L’apprentissage des langues médiatisé par les technologies (ALMT) – Étude d’un domaine de recherche émergent à travers les publications de la revue Alsic », Alsic, vol. 15, n° 3 : journals.openedition.org/alsic/2539.

[2En particulier à partir des théories de Lev Vygotski sur apprentissage et médiation. Parmi les contributions récentes, citons notamment Barbot, Marie-José et Lancien, Thierry (dir.) Médiation, médiatisation et apprentissages. Notions en Questions n° 7, Lyon, ENS Éditions, 2003, ainsi que les recherches menées sur le domaine des ALMT Apprentissage des Langues Médiatisé par les Technologies ») – sur ce dernier point, voir Guichon Nicolas, art. cit.

[3Notamment « médiation », « milieu », « transparence » et « opacité » chez Rézeau, Joseph, « Médiation, médiatisation et instruments d’enseignement : du triangle au “carré pédagogique” », ASP (revue du GERAS), 35-36, 2002, p. 183-200 : asp.revues.org/1656

[4Besson, Rémy, « Prolégomènes pour une définition de l’intermédialité à l’époque contemporaine », 2014, p. 23, hal.archives-ouvertes.fr/hal-01012325v1/document

[5Besson, Rémy, art. cit., p. 21.