Compte rendu de lecture sur le livre blanc de la SAES

jeudi 10 mai 2018

Nous avons annoncé sur notre site la publication par la SAES (Société des Anglicistes de l’Enseignement Supérieur) de son premier livre blanc sur le métier. Norah Leroy résume ici les grandes lignes du livre blanc :

Le Livre Blanc de la Formation en Etudes Anglophones est un travail collectif mené par la Société des Anglicistes de l’Enseignement Supérieur. Ce premier volume présente l’état des lieux de la formation entre 2013 et 2017 à travers quatre sujets : le dossier MEEF, le LANSAD (Langues pour Spécialistes d’Autres Disciplines), la certification CLES et l’évolution du métier d’angliciste dans l’enseignement supérieur.

Dans le premier chapitre de ce tome, il y a deux parties. La première décrit comment le Master MEEF est né et commence donc par un rappel historique sur la mise en place de la formation des enseignants dès la création du CAPES en 1950. L’analyse nous aide à mieux comprendre les obstacles et les difficultés que la formation des enseignants a rencontrés depuis ses débuts par rapport à l’équilibre entre la part des enseignements disciplinaires et celle de la formation professionnelle et pédagogique. La deuxième partie est consacrée à deux enquêtes menées par la Commission Formations de la SAES auprès de ses adhérents, qui révèlent que la mise en œuvre des maquettes de master MEEF est devenue de plus en plus cadrée et convergente et que la formation au métier d’enseignant est facilitée par les masters MEEF. Dans cette optique, la commission insiste sur son souhait de pérenniser, voire de renforcer, plusieurs aspects de la formation actuelle : les stages, qui permettent une meilleure prise en compte de la dimension professionnalisante de la formation, et une préparation plus efficiente des étudiants, les dimensions académiques et didactiques dans les épreuves du concours, la dimension recherche et les liens entre les partenaires ESPE, Université et Rectorat. La Commission considère que trois autres aspects devraient être développés encore davantage : la 4e mention du Master MEEF, le Master MEEF Pratiques et Ingénierie de la Formation, la préprofessionnalisation en Licence en partenariat avec les ESPE dans le cadre du continuum de formation et l’allégement de l’année de M2.

Le second chapitre est consacré aux résultats d’une enquête lancée en 2015 pour cerner au mieux les contours de l’enseignement-apprentissage des langues étrangères dans l’enseignement supérieur auprès d’étudiants spécialistes d’autres disciplines que les langues (LANSAD). Les auteurs présentent les résultats selon trois axes. Le premier concerne les données générales sur les structures LANSAD. L’enquête fait apparaître que ce secteur est très complexe car il est marqué par une grande diversité de situations. Le deuxième axe explore la politique des langues dans le secteur LANSAD. Les résultats démontrent une faible taille moyenne des équipes investies dans les structures LANSAD (11 personnes en moyenne) au regard du nombre d’étudiants inscrits (moyenne de 5350 par structure), un manque préoccupant de personnel administratif et technique et très peu de directeurs de structures LANSAD impliqués dans le pilotage de la politique des langues (6%). La grande majorité des intervenants du secteur LANSAD sont des personnels non titulaires et parmi les titulaires les enseignants-chercheurs ne représentent que 8% des personnels (7% de MCF et 1% de PU). Le troisième axe s’intéresse aux besoins et perspectives en matière de formation, d’encadrement et de recrutement. Pour conclure, les auteurs soulignent l’importance de développer les formations aux niveaux master et doctorat dans le secteur pour assurer une qualité et une attractivité internationale des formations et suggèrent de créer un concours de recrutement spécifique pour les professionnels du secteur LANSAD ou même d’adjoindre une option « langue de spécialité » à la suite des trois mentions déjà existantes au concours de l’agrégation externe.

Le troisième chapitre concerne la certification CLES (Certificat de Compétences en Langues de l’Enseignement Supérieur) et porte principalement sur les questions que Cédric Sarré, directeur adjoint de la Coordination Nationale CLES a présentées lors du congrès SAES 2016 à l’Université Lyon 3 : (1) D’où vient-on ? (2) Où en est-on ? (3) Où va-t-on ? et (4) Pourquoi y va-t-on ? En réponse à la première question, Cédric Sarré nous apprend que la naissance du CLES est due à une volonté ministérielle en 2000 de donner aux enseignants du supérieur un outil pour mesurer et attester de façon plus objective les compétences en langues des étudiants spécialistes d’autres disciplines que les langues. Parallèlement, la communauté d’enseignants et d’enseignants-chercheurs semblait convaincue des bienfaits du CLES car non seulement il permet d’attester qu’un étudiant est capable de communiquer en situation de communication réelle mais aussi parce qu’il présente une alternative aux certifications venues du secteur privé (comme le TOEIC par exemple) – une préoccupation toujours actuelle. Pour répondre à la deuxième question, une présentation est faite des détails concernant la mission de Coordination Nationale CLES qui est confiée à l’université Grenoble Alpes depuis le 10 avril 2013 et jusqu’en 2020. Pour ce qui concerne les perspectives de la certification CLES (question 3), la Coordination Nationale CLES a identifié cinq axes à développer suite à l’évaluation de l’AERES (en 2013) : une meilleure reconnaissance institutionnelle et internationale du CLES ; des évolutions dans le format et le public de la certification ; une meilleure contribution à la réussite en langue(s) étrangère(s) ; une meilleure reconnaissance du CLES dans la carrière des enseignants et un modèle économique soutenable. Finalement, pour répondre à la quatrième question, l’intérêt du CLES pour les étudiants est que cette certification est multilingue (9 langues), gratuite (certification d’état), complète et directe car elle évalue 5 activités langagières sur 3 niveaux (B1, B2 et C1) et sans limite de validité. Cette certification est aussi un moyen de reconnaître la compétence des enseignants à certifier leurs propres étudiants parce qu’il s’agit d’une certification ‘semi-externe’ : bien que les sujets soient nationaux, les correcteurs-examinateurs accrédités sont internes à l’établissement. Dans la conclusion, se trouvent des informations concernant la procédure à suivre pour devenir centre CLES.

La question de l’évolution du métier d’angliciste dans l’enseignement supérieur pour mieux comprendre son impact sur les formations est le sujet du quatrième chapitre de ce tome. Dans l’introduction, les auteurs expliquent qu’il y a deux aspects à cette question, l’évolution « objective » du métier en termes de statuts, carrière, points d’indice, nombre d’étudiants, nombre de titulaires, etc., et l’évolution « subjective » du métier, telle qu’elle est ressentie et vécue par les acteurs sur le terrain et mesurée à travers les représentations individuelles et collectives. La Commission Formations SAES a diffusé un questionnaire sur l’évolution du métier d’angliciste dans l’enseignement supérieur pour faire émerger le ressenti de la communauté et proposer des améliorations possibles. Cette étude reflète un consensus large et partagé au sein de la communauté : l’évolution du métier se caractérise par une forte dégradation des conditions de travail, pouvant même entraîner de la souffrance au travail. L’étude permet aussi de mettre en évidence une conception de plus en plus utilitaire de la langue, et en parallèle, une évacuation de la dimension culturelle. La Commission Formations estime que la situation est critique et donc elle préconise la création d’un observatoire de la vie d’enseignant et d’enseignant-chercheur dans l’enseignement supérieur dont l’une des premières missions sera d’engager la réflexion sur l’évolution du métier d’angliciste : conditions de travail, salaires, évolution des carrières et statuts, rapports entre budgets alloués et massification de l’enseignement supérieur, propositions pour une gestion des flux, répartition des tâches entre les personnels enseignants et enseignants-chercheurs et les personnels administratifs, moyens pour réduire sensiblement la lourdeur administrative, pour maintenir le lien entre recherche et formation, pour maintenir des contenus disciplinaires forts et favoriser l’insertion professionnelle des étudiants, pour favoriser un temps long de recherche, de droit pour tous, tout en assurant la qualité des formations, et pour améliorer la reconnaissance du métier par l’institution et la société.

La diffusion de ces résultats semble être pour la Commission Formations un impératif si la communauté des enseignants et enseignants-chercheurs de l’enseignement supérieur dans le domaine de l’anglistique souhaite faire entendre sa voix pour ouvrir de nouvelles perspectives et contribuer à l’amélioration du métier. Une nouvelle enquête sera organisée dans 5 ans pour un nouvel état des lieux sur l’évolution du métier.