Compte rendu de l’entrevue de l’APLV au ministère de l’Education Nationale sur le collège le 21 mars

jeudi 23 mars 2023

Françoise Du, présidente de l’APLV, et Jean-Luc Breton, secrétaire général, ont été reçus au ministère le mardi 21 mars par deux conseillers du ministre, Julie Benetti et Thomas Leroux. Cette entrevue, demandée à de nombreuses reprises par l’APLV, portait sur les déclarations du ministre et de son directeur de cabinet sur le niveau en anglais des collégiens de 3e et sur la circulaire parue au Bulletin Officiel du 15 décembre portant sur l’« enseignement de l’anglais et des langues vivantes tout au long de la scolarité obligatoire ».

Le Conseil d’Administration de l’APLV a débattu de la question de l’évaluation du niveau en anglais des collégiens par le test Evalang lors de sa séance du 24 septembre (https://aplv-languesmodernes.org/spip.php?article9672). Son analyse était la suivante :
Le CA considère qu’Evalang ne peut en aucune façon être considéré comme un indicateur fiable d’un quelconque niveau. C’est un test qui évalue par QCM de manière décontextualisée des compétences de compréhension et des connaissances lexicales et grammaticales, c’est-à-dire qu’il n’a aucun rapport avec le type d’enseignement, actionnel et collaboratif, pratiqué dans les classes de collège. De plus, il fait l’impasse sur les activités d’expression, notamment orales, prépondérantes dans les cours. L’évaluationnite gestionnaire institutionnelle atteint là sa caricature : on teste les collégiens sur autre chose que ce qu’on leur enseigne, puis on en déduit que l’enseignement est inefficace, pour justifier une nouvelle réforme.
La délégation de l’APLV a tenté d’expliquer ce point de vue à ses interlocuteurs, qui l’ont réfuté puisque, selon leurs dires, les acteurs institutionnels et les corps d’inspection reconnaissent la fiabilité du test Evalang et sa valeur prédictive. Ils refusent d’admettre la confusion des genres entre test de positionnement, qui pourrait éventuellement être utile aux professeurs de 3e, même à quelques mois de la fin de l’année scolaire, et outil de pilotage de la discipline.

Comme nous l’indiquions dans le compte rendu du CA de l’APLV du 24 septembre, il apparaît clairement que le ministère a besoin de diffuser largement dans l’opinion publique l’idée de la faiblesse du niveau en anglais des jeunes Français pour justifier une réforme de l’enseignement des langues au collège. Que la circulaire du 15 décembre (https://www.education.gouv.fr/bo/22/Hebdo47/MENE2234752C.htm) prône le bachotage à courte vue de façon à réussir les tests Evalang et PISA en 2025, quitte à réorienter l’enseignement vers des méthodes mécaniques et improductives, est assumé par les conseillers du ministre. La délégation de l’APLV a réaffirmé sa défense des méthodologies actionnelles, de l’approche contextualisée des supports et de l’apprentissage des langues par la communication et la pratique, mais ses interlocuteurs ne semblent pas y attacher beaucoup d’importance. Ils croient à la valeur de pilotage d’Evalang, déduisent des mauvais résultats à ce test que les collégiens ont besoin d’un enseignement plus systématique et encore plus contrôlé et ne perçoivent pas que les enseignants ne supportent plus d’être sans cesse focalisés sur l’évaluation. D’ailleurs, que certains IPR ou formateurs préconisent des évaluations toutes les 3 ou 4 séances ne les choque en rien.

Comme dans sa réaction à la circulaire du 15 décembre 2022 (https://aplv-languesmodernes.org/spip.php?article9693), l’APLV a plaidé pour la diversité des langues. Pour l’association, mettre l’anglais en exergue, c’est-à-dire aller dans le sens de la doxa, affaiblit l’appétence et la motivation des élèves et de leurs parents pour les autres langues tout en desservant l’anglais, qui risque de se réduire à un globish, une langue de communication sans substrat culturel, sans confrontation à l’altérité, sans valeur formative. Madame Benetti et Monsieur Leroux nous ont clairement répondu que la distinction faite dans la circulaire du B.O. entre l’anglais et les autres langues était pleinement « assumée » et justifiée par le fait que le grand public se focalise sur le niveau en anglais.

Une fois de plus, l’APLV a rappelé à ses interlocuteurs que le ministère continue à ignorer les langues peu enseignées, qui, pour certaines, n’ont pas connu de CAPES depuis plus de vingt ans, et les langues régionales, dont les effectifs diminuent depuis la mise en place de la réforme du lycée.

Cette entrevue entre l’APLV et deux conseillers du ministre a mis en évidence l’incapacité de ces derniers d’entendre un discours adossé à la réalité quotidienne des professeurs et des élèves dans les classes. Le discours ministériel, dogmatique et auto-alimenté, semble s’éloigner de plus en plus de la réalité. L’APLV ne peut que déplorer cet aveuglement, préjudiciable à l’efficacité de l’enseignement des langues et des cultures.