En direct de la présidence de l’APLV, « Les Langues Modernes » n°3/2008, par Sylvestre Vanuxem

dimanche 7 septembre 2008

Le site de l’APLV publie exceptionnellement la Note du Président de l’APLV avant même sa parution dans Les Langues Modernes, en raison de son importance par rapport à l’actualité institutionnelle, très dense actuellement en ce qui concerne les langues vivantes. Il s’agit ici de la réforme du baccalauréat et celle des concours de recrutement de l’Éducation Nationale. (NDLR)


L’année scolaire 2008/2009 qui débute tout juste sera celle de deux grands chantiers en matière d’éducation : la réforme du baccalauréat et celle des concours de recrutement de l’Éducation Nationale. Les professeurs de langues seront donc concernés dans les deux cas. Sur ces deux questions, quel sera le degré d’écoute accordé par le Ministre aux propositions des représentants des enseignants que sont les syndicats et les associations de spécialistes ? On est en droit de se le demander si l’on en juge par l’absence totale de réaction de M. Darcos à nos demandes concernant la validation du niveau A2 au Diplôme National du Brevet.

En ce qui concerne le baccalauréat, la cacophonie règne déjà. Tandis qu’un rapport préparé par un groupe de travail de la Commission des Affaires Culturelles du Sénat [1] propose non pas une réduction du nombre d’épreuves mais leur étalement sur deux ans et réclame à juste titre une plus grande cohérence entre les niveaux de compétence en langues mesurés par celles-ci et le CECRL, le médiateur de l’Éducation déclare, en remettant son rapport annuel, qu’il faut simplifier le bac en supprimant les options, langues « rares » et régionales en tête. S’il s’agit là de l’expression d’un sentiment personnel et non d’un propos officiel, il est quand même curieux de proposer devant les médias la suppression d’épreuves plutôt bénéficiaires aux candidats, alors que les recours portés pour la session 2007 concernaient en grande majorité les écarts de notation entre les copies et le manque d’harmonisation dans l’évaluation. On pourrait d’ailleurs faire remarquer au médiateur que ces matières, sanctionnées par une épreuve optionnelle en France et qui permettent aux candidats de valoriser des compétences importantes pour leur développement personnel ou leurs projets d’avenir, sont considérées comme égales aux autres dans des systèmes éducatifs étrangers dont le succès nous est souvent vanté. Quand on sait que l’épreuve de compréhension orale prévue pour le bac STG sera finalement abandonnée en raison de la difficulté à produire des sujets pour toutes les langues, tout cela n’est pas de très bon augure.

Notre première inquiétude en tant qu’association multilingue concerne donc le nombre de langues qui seront évaluées dans le nouveau baccalauréat, et donc encore enseignées dans le secondaire. La deuxième concerne la nature des épreuves. Le précédent numéro des Langues Modernes a montré, comme le constate le Sénat, que le CECRL était un instrument incontournable et qu’il devait trouver sa place dans le baccalauréat. Sa façon d’envisager l’évaluation de façon positive, en s’intéressant à ce que l’on sait plutôt qu’aux lacunes, devrait notamment apporter un souffle nouveau à l’examen. Cependant, on a aussi pu voir que cet instrument fonctionne sur une pratique à long terme et non par rapport à des épreuves d’examen final. Toute la difficulté consistera donc à savoir combiner plutôt qu’intégrer, ce qu’envisage aussi le rapport du Sénat.

Malheureusement, on sait que le Ministère a pris la fâcheuse habitude d’avancer à marche forcée et pourrait être tenté par des solutions aussi rapides et économiques que catastrophiques pour notre système éducatif. Il pourrait ainsi décider de répéter ce qui se passe au collège en supprimant les épreuves de langues et en laissant le soin aux enseignants de juger si le niveau B2 est acquis ou non sous forme d’un vague contrôle continu. On sait ce que ceci impliquerait pour l’image du baccalauréat et des langues à l’école. Autre solution, qui existe déjà pour certaines séries depuis cette année, confier la préparation des épreuves à des officines privées. Si l’on ne peut mettre en doute le savoir-faire de certaines de ces dernières, la notion d’examen « national » disparaîtrait, et il suffit d’observer les graves dysfonctionnements apparaissant régulièrement dans les pays ayant choisi cette formule pour avoir une idée des risques encourus. Dans ces deux cas la tâche du médiateur de l’Éducation sera rude.

Le Ministre a annoncé au printemps la fin du mode actuel de recrutement des personnels enseignants en 2010. La session 2009 du CAPES et de l’agrégation tels que nous les connaissons sera donc la dernière. Si ces concours continueront d’exister, ce sera sous une autre forme puisqu’ils seront passés après obtention d’un mastère, c’est-à-dire Bac+5 au lieu de Bac+3 ou 4. Quelles épreuves attendront les candidats qui souhaiteront encore se destiner à une profession qui attire déjà de moins en moins, après deux années de spécialisation qui leur laisseront entrevoir d’autres domaines où exploiter leurs compétences en langues ? Il fut un temps où les associations de spécialistes étaient étroitement associées au processus de conception des épreuves de concours, qu’en sera-t-il cette fois-ci ?

Une chose est certaine, tout au long de cette année scolaire comme c’est le cas depuis plus de cent ans maintenant, l’APLV continuera à faire son travail de réflexion et sera prête à en faire bénéficier tous ceux qui le souhaiteront. Notre association favorise la communication entre tous les acteurs de l’enseignement des langues vivantes, que se soit par sa revue Les Langues Modernes, son site aplv-LanguesModernes.org ou lors de rencontres comme la prochaine Assemblée Générale 2008. J’en profite pour vous rappeler que celle-ci se tiendra à l’IUT « A » de Lille les 29 et 30 novembre. Plusieurs intervenants, écrivains, chercheurs et éditeurs ont d’ores et déjà accepté de venir nous présenter leur façon de donner « le plaisir de lire » à cette occasion. Vous trouverez dans ce numéro, ainsi que sur notre site, le bulletin d’inscription à l’AG contenant les renseignements nécessaires pour votre séjour à Lille, ainsi que le bulletin de vote pour le renouvellement partiel du comité de l’APLV.

Bonne lecture !