In memoriam André Gauthier, par Ruth Huart, Professeur émérite de l’université Paris 7

jeudi 17 décembre 2009

Ami de longue date de l’APLV et des Langues Modernes, André Gauthier nous a quittés le 7 octobre 2009, dans sa quatre-vingt-deuxième année. Des générations d’élèves, d’étudiants et de collègues auront été marquées par les cours d’anglais, de didactique et de linguistique de cet enseignant exceptionnel, qui n’a pas attendu les directives officielles pour prôner à tout moment une pratique raisonnée de la langue.

Ayant débuté sa carrière de jeune agrégé au lycée de Reims, puis au Lycée Voltaire à Paris, il a été détaché ensuite à l’Institut Pédagogique National (IPN) pour y diriger un laboratoire correctif à l’usage des enseignants de langue. Pionnier dans l’utilisation du magnétophone en classe (contributions aux Langues Modernes en 1962 (n°3) et 1963 (n°2)), il a participé activement à la création des laboratoires de langue universitaires (voir Les Langues Modernes 1967-4 : « Laboratoire de langue et équipement audio-correctif »). En 1965 et 1966, il a publié chez Didier deux recueils d’exercices sur bandes magnétiques destinés aux élèves de lycée (Plain Sailing) et de collège (My Friend Tony).

Après 1968, lorsque fut fondé l’Institut d’Anglais Charles V de l’Université Paris VII, c’est André Gauthier qui, ayant dirigé le laboratoire de langue du centre Censier, s’est chargé de l’installation et de la direction d’un laboratoire de langue de conception très originale dans les nouveaux locaux de l’Institut. Parallèlement à la responsabilité du secteur de l’anglais oral, il a assumé, dès 1971-72, celle du D.I.R.E.L.(Département interdisciplinaire de recherche sur l’enseignement des langues), avec Jeanine Bouscaren et Danielle Bailly. Dédié à la formation permanente des enseignants du secondaire, fort à la fois de l’expérience du terrain des formateurs et de la Théorie des opérations énonciatives d’Antoine Culioli, ce département a, pendant toute son existence, entretenu des rapports étroits avec l’APLV, dont bon nombre d’adhérents ont pu apprécier la qualité de la formation dispensée. Du côté de la formation initiale, André Gauthier a contribué à la mise en place en 1984 de la filière de licence F.I.M.A.(Formation initiale des maîtres d’anglais), qui proposait il y a déjà un quart de siècle un parcours spécifique à orientation préprofessionnelle aux étudiants qui se destinaient à l’enseignement.

À la même époque, il a fondé un nouveau groupe de recherche en « Linguistique et didactique de l’anglais », réunissant chercheurs et doctorants pour qui l’association de ces deux domaines allait de soi. Il a continué d’animer cette équipe et de diriger des doctorats bien après sa retraite en 1996. Sa maîtrise des outils d’analyse de la théorie d’Antoine Culioli, sa capacité à les faire comprendre, sa rigueur dans leur maniement ont inspiré les travaux de tous ceux qui l’ont côtoyé, que ce soit dans le cadre du groupe de recherche, des séminaires de maîtrise et de doctorat, des cours de préparation à l’option linguistique de l’Agrégation d’anglais, ou des nombreux colloques auxquels il a participé.

Outre les articles déjà mentionnés, il en a publié d’autres à orientation plus grammaticale ou linguistique, aussi bien dans Les Langues Modernes Le DO anglais… », 1976-3/4 ; « Linguistique : jeu(x) sur la frontière », 1998-1) que dans des revues plus techniques. Sa thèse d’État, Opérations énonciatives et apprentissage d’une langue étrangère en milieu scolaire : l’anglais à des francophones (1981), publiée comme numéro spécial des Langues Modernes, illustre bien le souci constant d’allier réflexion théorique approfondie et problèmes d’appropriation d’une langue étrangère. D’autres ouvrages, déjà anciens (1972) : les exercices écrits de Plain Sailing (lycée) et leur suite Food for Thought (premier cycle universitaire), annonçaient la manière particulière qu’avait André Gauthier d’inciter apprenants et chercheurs à mener un raisonnement jusqu’au bout pour résoudre des questions de plus en plus subtiles.

Pour toutes ses qualités humaines et intellectuelles, nous sommes nombreux à lui être reconnaissants.