L’évolution des compétences en anglais en espagnol et en allemand des élèves en fin de collège - Résultats de l’évaluation CEDRE 2010

lundi 7 avril 2014

Le MEN vient de publier les résultats des évaluations CEDRE (cycle d’évaluations disciplinaires réalisées sur échantillon) en langues vivantes. Ces évaluations qui ont lieu tous les six ans permettent d’évaluer les acquis des élèves en termes de connaissances et de compétences sur une discipline donnée et d’autre part permettre le calcul des évolutions de ces acquis à travers le temps.

La première évaluation en langues vivantes a eu lieu en 2004 ; la deuxième en 2010. Cette dernière, qui initie un nouveau cycle en reprenant en partie des situations de l’évaluation de 2004, permet de mesurer l’évolution des performances des élèves.
Les élèves sont évalués sur trois activités langagières : compréhension de l’oral, compréhension de l’écrit et expression écrite.

L’APLV avait déjà publié une analyse du dossier sur L’évolution des compétences en anglais et en allemand des élèves en fin d’école, nous publions aujourd’hui notre analyse sur L’évolution des compétences en anglais, en espagnol et en allemand des élèves en fin de collège.


Près de 5000 élèves de 3e ont été évalués pour chacune des trois langues concernées, dans trois activités langagières, la compréhension de l’oral, la compréhension de l’écrit et l’expression écrite. Au vu des résultats et des conclusions, il faut particulièrement déplorer que, pour des raisons évidentes de logistique, les activités d’expression orale n’aient pu donner lieu à une évaluation.
Comme nous l’indiquions à propos du rapport sur l’école élémentaire, pour les trois langues évaluées dans le cadre de l’enquête CEDRE, les résultats ne diffèrent pas de manière sensible, ce qui montre bien la valeur formative de l’apprentissage de toutes les langues vivantes étrangères, et la nécessité de la diversité dans les choix proposés aux élèves, diversité que l’APLV défend avec constance. Cette concordance entre les résultats a d’autant plus de sens que les conditions des trois langues dans le paysage scolaire français sont distinctes : l’allemand et l’anglais sont enseignées à l’école élémentaire ; l’anglais est la 1re langue vivante étrangère choisie en 6e par l’immense majorité des élèves ; l’espagnol est surtout choisi à partir de la 4e. De fait, l’enquête mélange des élèves qui ont reçu entre 2 et 9 ans d’enseignement de la langue vivante dans laquelle ils sont évalués.
Lorsque cela est possible, les chiffres de 2010 sont présentés en regard de ceux de 2004, et permettent de mettre en évidence des tendances générales au sein de la population scolaire. Une donnée importante à prendre en compte est qu’en 2010, davantage d’élèves ont pu bénéficier d’un enseignement de l’allemand ou de l’anglais à l’école primaire (85% des anglicistes ; 31% des germanistes) qu’en 2004.

Comme dans le cadre de l’enseignement élémentaire, les auteurs du rapport préviennent de la difficulté à tirer quelque conclusion valide que ce soit des performances des élèves de 3e en expression écrite, pour plusieurs raisons. D’abord, l‘évaluation a pris en 2010 une forme différente de celle de 2004, puisqu’en plus d’activités de mobilisation des outils linguistiques et de questions à choix multiples, on demandait en 2010 de vrais écrits plus ou moins guidés. De ce fait, contrairement aux activités d’évaluation de la compréhension, où un nombre non négligeable d’items était repris à l’identique des livrets CEDRE de 2004, en expression écrite, presque tous les items étaient nouveaux. Ensuite, les résultats perdent une grande partie de leur fiabilité du fait d’un très grand nombre de non-réponses (jusqu’à plus de 60% pour certains items). Ce refus de répondre, qui est sans doute parfois une absence de moyens linguistiques pour s’exprimer, ainsi que les faibles taux de réussite moyens dans les exercices d’expression écrite pure (entre 30 et 40% selon les langues), témoignent d’un manque important d’aisance des collégiens à l’écrit, que les auteurs du rapport expliquent de manière prudente mais explicite :

On peut […] avancer l’hypothèse que l’entraînement aux compétences d’expression dans le domaine de l’écrit est moins développé par les enseignants que dans les compétences de compréhension. Il est peut-être rarement proposé aux élèves un véritable entraînement à la production écrite en classe, avec mise en place de stratégies spécifiques destinées à rendre l’élève autonome et performant. Les enseignants sont sans doute réticents à réserver en classe une place à l’écrit au détriment de l’oral, que ce soit en production ou en réception (p.43).

Les évaluations des activités langagières de compréhension révèlent elles aussi, mais cette fois-ci de manière statistiquement plus fiable, un niveau décevant, qui prend la forme d’une baisse sensible des résultats entre 2004 et 2010. Cette constatation est valable pour les trois langues en compréhension de l’oral (entre 5 et 14 points selon les langues) et pour l’allemand en compréhension de l’écrit (8 points). On remarque aussi, pour les trois langues et dans les deux types d’activités de compréhension, une augmentation nette du nombre d’élèves, pouvant aller jusqu’à 20%, en situation de très grande difficulté, qui ne maîtrisent aucune des compétences attendues […] en fin de palier 1, et à l’inverse, un groupe d’élèves très à l’aise, qui représente de 13 à 28% des collégiens, en fonction des langues et des activités langagières.
Pour expliquer ces résultats décevants, les auteurs du rapport citent l’analyse faite en 2012 par François Monnanteuil, à l’époque doyen de l’Inspection Générale de Langues Vivantes :

La baisse des résultats de 2010 par rapport à ceux de 2004 dans les activités de compréhension, et surtout de compréhension de l’oral, suggère que l’insistance sur la production orale, notamment l’expression orale en continu, s’est traduite, dans les premiers temps de sa mise en œuvre, par un moindre entraînement aux activités de compréhension (Le point de vue de l’inspection générale de l’éducation nationale, in L’évolution des compétences en langues des élèves en fin de collège de 2004 à 2010, note d’information du Ministère, p.7)

Mais les auteurs du rapport ne craignent pas de proposer d’autres pistes d’analyse. En compréhension, ils remarquent une différence de réussite importante entre les compétences de reconnaissance et celles de construction du sens, évidemment beaucoup plus difficiles à maîtriser. Les exemples d’items fournis dans le dossier sont très éclairants à ce propos et montrent une tendance nette chez les élèves à sélectionner comme réponse à la question qu’on leur pose les informations factuelles simples et/ou les premières énoncées dans le support, parfois même en dépit du sens. Les auteurs du rapport formulent leurs interrogations :

Qu’en est-il de l’entraînement à la compréhension de l’oral ? Se limite-t-il à des repérages lexicaux, grammaticaux au sein du message sonore ou entraîne-t-on les élèves à aller au-delà, à accéder au sens ? Les habitue-t-on à acquérir et mettre en œuvre les stratégies, la méthodologie qui, à partir d’éventuels repérages, permettent de construire le sens ? (p.100).

En filigrane, les auteurs du rapport abordent aussi la question des choix ministériels en matière d’enseignement des langues. La baisse des résultats constatée en compréhension a eu lieu malgré le fait qu’un plus grand nombre de collégiens a suivi un enseignement de langue vivante à l’école élémentaire. On ne peut évidemment pas en déduire que l’enseignement des langues vivantes à l’école élémentaire est inutile ou contreproductif, mais le fait qu’il ne parvient pas à compenser la baisse des résultats doit nous interroger sur les choix du ministère en matière d’enseignement des langues vivantes au premier et au second degrés. Des enquêtes qualitatives et quantitatives sur ces questions seraient nécessaires.

Comme à l’école élémentaire, on remarque que les résultats d’un élève dans les activités langagières évaluées sont très nettement corrélés à la catégorie socioprofessionnelle de ses parents, à sa réussite en amont de la classe de 3e et à ses doublements de classe, ainsi qu’au type de collège qu’il fréquente. Comme les enquêtes sociologiques le montrent depuis des années, il y a une spirale socio-scolaire de l’échec, et les résultats en langues vivantes n’y échappent pas. Une étude en profondeur des liens entre les résultats des enquêtes PISA sur la compréhension du français et la maîtrise du français écrit et ceux de l’enquête CEDRE sur les compétences en langues étrangères serait particulièrement éclairante.