Appel à débat sur l’« exception pédagogique », par Sylvestre Vanuxem

En direct de la présidence - n°68 du Polyglotte
mardi 17 avril 2007

par Sylvestre Vanuxem
Président de l’APLV

En tant que professeurs de langues, quel que soit le niveau auquel nous enseignons, nous avons tous un jour travaillé dans l’illégalité. En voulant relancer l’intérêt de nos élèves ou étudiants pour les langues vivantes ou parfaire leurs connaissances, nous avons profité des moyens que nous offre la technologie moderne pour les confronter à des documents authentiques. Hélas, nous n’avions que très rarement le droit de le faire. Les émissions ou œuvres pouvant être diffusées, même en direct, en dehors du cercle privé ne sont pas légion. Certes, des accords-cadres ont été signés en 2004 avec certaines chaînes étrangères [1] mais ils sont renouvelables tous les 2 ans et peu de langues sont concernées, (l’allemand notamment n’est pas couvert). Depuis le premier janvier 2007, des accords signés avec des producteurs audiovisuels permettent de diffuser en direct ou en différé des émissions des chaînes hertziennes françaises non-payantes (y compris TNT). Ceci est d’une utilité toute relative pour les professeurs de langues quand on sait que l’accès aux langues étrangères sur ces chaînes est très limité, les propos d’un étranger s’exprimant dans sa langue étant doublés et non sous-titrés. Les établissements paient aussi un forfait permettant aux professeurs de photocopier des documents, mais le système est fastidieux et, là aussi, limité. Des films diffusables en classe peuvent être achetés par les établissements, mais ils coûtent cher et l’intérêt des documents authentiques étant la variété et la réactivité, cette solution n’est pas idéale non plus.

Pourtant les tentations seront de plus en plus grandes car la technologie évolue et nous donne un accès toujours plus facile à des ressources fabuleuses (qui n’a pas éprouvé de frustration en apprenant que l’utilisation des podcasts - ou baladodiffusions - en classe était limitée.) Nos élèves aussi évoluent, et comprennent de moins en moins que l’école n’ait pas accès à ce qu’ils peuvent côtoyer quotidiennement chez eux. Les programmes eux mêmes nous poussent dans cette direction : la compétence de compréhension apparaît dans le CECR qui leur sert de base. Une épreuve de compréhension sera mise en place dans les épreuves du bac STG et certainement dans les autres séries par la suite. Si les sujets seront peut-être produits par le ministère avec des acteurs, on ne peut imaginer préparer les élèves sans l’aide de documents authentiques à moins de retirer tout sens à cette épreuve. Les sujets des concours de recrutement de l’Éducation Nationale font eux aussi appel à des documents authentiques, flirtant ainsi avec l’illégalité et donnant le mauvais exemple aux futurs salariés.

Il faut donc accorder aux enseignants le droit d’utiliser des documents authentiques en classe par la création d’une « exception pédagogique » et l’APLV souhaite vivement s’impliquer dans ce débat. Il n’est pas question pourtant que les auteurs soient floués de leurs revenus, un compromis raisonnable peut sans doute être trouvé.
Un espace de débat est créé sur cette page pour que chacun puisse s’exprimer sur ce que pourrait être cette « exception pédagogique ». Le but n’est pas que chacun vienne y revendiquer le fait de travailler dans l’illégalité mais proposer des solutions facilitant les pratiques de classe. Un groupe de travail de l’APLV chargé d’examiner ces propositions a déjà été formé autour de nos collègues Laure Peskine, Marie-Pascale Hamez et Moktar Elgourari. Nous attendons vos participations nombreuses sur ce débat qui nous concerne tous.

À consulter :

Encart au B.O. n° 5 du 1er février 2008 : Mise en oeuvre des accords sectoriels sur l’utilisation des oeuvres protégées à des fins d’enseignement et de recherche.

Tableau décryptant les accords élaboré par l’Interassociation archivistes bibliothécaires documentalistes [2].
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