La note du président - N° 3/2007 des Langues Modernes, par Sylvestre Vanuxem

dimanche 9 septembre 2007
 Sylvestre VANUXEM

Au début de l’été 2007 le mot "rationalisation" a été employé par le Ministre de l’Education Nationale Xavier Darcos sur les ondes radiophoniques. Justifiant les craintes que j’exprimais dans cette même rubrique dans le précédent numéro des Langues Modernes, le ministre a confirmé que cette démarche s’appliquerait bien aux langues vivantes prenant comme exemple de domaines d’application de cette rationalisation "l’italien ou des langues rares…". La FNAI, membre de l’APLV en tant que personne morale, a fait parvenir une lettre au ministre et notre collègue Michel Morel a immédiatement réagi à ces propos au nom des professeurs d’italien dans le dernier numéro du Polyglotte.
La rationalisation c’est, selon M. Darcos, regrouper les élèves et réduire le nombre pléthorique d’options proposées aux élèves. A terme, c’est limiter le plus possible les possibilités de choix de langues dans les enseignements primaires et secondaires en ne gardant que quelques langues "utiles", se débarrassant au passage de ces casse-tête pour la constitution d’emploi du temps et de groupes classe que sont les langues rares. Si des élèves souhaitaient toutefois les apprendre, ils pourraient toujours le faire au cours de leurs études supérieures dans des universités autonomes ayant pour politique d’offrir un vaste choix de langues à leurs étudiants. L’APLV ne peut que s’opposer fermement à cette vision de la rationalisation.
Pourtant, ce terme n’est pas forcément l’antonyme exact de celui que notre association préfère employer : diversification. Car rationaliser pourrait aussi signifier gérer et prévoir les moyens de façon optimale afin de donner à un maximum d’élèves la chance d’étudier les langues de leur choix et non favoriser de façon inégale une ou deux langues. Cela pourrait être une volonté d’informer les élèves et les parents sur les possibilités afin de maintenir et créer des groupes rendant les regroupements géographiques inutiles et gardant des enseignants en postes plutôt que de consacrer de l’argent à les reconvertir. Cela pourrait aussi signifier envisager des parcours différents dans l’apprentissage des langues, ce qui permettrait de réduire l’horaire d’apprentissage d’une langue pour le consacrer à une autre dès lors qu’on aurait atteint un niveau satisfaisant, ce que permet le Cadre Européen Commun de Référence. Bref, rationaliser, ce pourrait être établir enfin une véritable politique linguistique.
On opposera sans doute à cette vision de la rationalisation des arguments "pragmatiques" considérant qu’il faut n’accorder de places qu’aux langues "utiles". Il y aurait ainsi un "marché des langues" fluctuant au gré des conjonctures économiques où le chinois serait une valeur montante et l’anglais une valeur refuge que tout le monde devrait posséder. Pourtant, un rapport du Haut Comité d’évaluation de l’école créé par François Fillon, alors Ministre de l’Education Nationale, avait déjà mis en valeur le fait que si on se base sur des fait économiques, privilégier l’anglais ou toute autre langue "dominante" engendre des désavantages dans les pays où cette langue n’est pas une langue officielle, les rendant moins compétitifs.
Monsieur Darcos et sans doute conscient de tout ceci et son choix de l’italien comme exemple semble le prouver. Il a ainsi évité le paradoxe des langues "rares" dans le système éducatif français mais pas si rares que ça en matière de locuteurs et qui pourraient être les valeurs montantes de demain suite à un changement politique ou économique majeur. Le russe et l’arabe n’ont donc pas été mentionnés. Ce qui est dommage, c’est qu’il a ainsi sans doute involontairement renforcé un vieux cliché selon lequel l’italien, langue latine cousine proche du français, ne présente pas de difficultés d’apprentissage et que tous les français le comprennent et le parlent un peu, sa place à l’école n’est donc pas vraiment justifiée. Personne ne se risquerait à appliquer cette vision à l’espagnol…
Depuis, d’autres questions d’actualité majeures sont venues occuper le devant de la scène en matière d’éducation, comme le non remplacement d’un grand nombre de fonctionnaires, principalement dans l’éducation nationale, ce qui est finalement l’étape première de la « rationalisation », et la possibilité d’un service minimum les jours de grève. La rationalisation de l’enseignement des langues devra peut-être attendre que ces annonces soient digérées, le temps que la vision de cette rationalisation telle que l’envisage l’APLV soit partagée par le ministre de l’Education Nationale ? Une fois les postes et les options supprimées il risque d’être trop tard.

Toujours au début de l’été, l’APLV a fait parvenir au Ministre de l’Education Nationale et à la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche une lettre rappelant la nécessité de régler la question des droits de diffusion de documents audio et vidéo en classe et souhaitant la création d’une "exception pédagogique". Cette lettre, qui n’a à ce jour pas reçu de réponse est en ligne sur le site www.APLV-LanguesModernes.org

J’en profite pour vous rappeler que pour des raisons techniques - liées à l’afflux de spams saturant la boîte aux lettres –l’adresse électronique du secrétariat administratif de l’APLV a changé depuis le mois de juillet. Notre contact est désormais : aplv.lm@gmail.com

Ce numéro des Langues Modernes est le dernier dont Astrid Guillaume assure la direction en tant que rédactrice en chef, je tiens à lui rendre hommage pour sa totale implication dans cette tâche et l’énergie qu’elle a su communiquer à toute l’équipe de rédaction, assurant ainsi une grande qualité à tous les numéros dont elle a eu la charge. Je tiens aussi à la remercier vivement pour tout le travail qu’elle a fourni lors de la création et ensuite en tant que directrice éditoriale du site APLV.LanguesModernes.org dont le succès va croissant.

Bonne lecture