« Le Portfolio juste pour moi »

mercredi 18 octobre 2006
 Sylvie SAGOL MARC

- Robert Bibeau [1], dans son article " "L’usine à gaz" ou le eportfolio de "Big Brother" " présente « trois approches dans l’usage du portfolio de développement professionnel :


"Il y a d’abord l’approche personnalisée et individualisée, le portfolio que l’apprenant se construit comme une forteresse d’où il pourra, espère-t-il, contempler en rétrospective sa démarche d’apprentissage à travers les traces qu’il aura méticuleusement sélectionnées et compilées. C’est le portfolio « juste pour moi ». Ce portfolio offre une avenue pleine d’embûches et n’est pas très satisfaisant pour l’accompagnateur ou le tuteur qui, tôt ou tard, devra bien certifier ces apprentissages acquis dans l’alcôve du portfolio.

Il y a ensuite l’approche « usine à gaz de Big Brother ». C’est le portfolio tout-en-un. Le portfolio pensé par l’institution et pour l’institution afin de conforter
l’attribution qu’elle fait des notes, des bulletins et des diplômes.

La troisième approche est celle des « trois portfolios distincts » (apprentissage, présentation, évaluation)..."

-  "Notre" PEL semblerait appartenir à la 2e approche "pleine d’embûches" de Robert Bibeau.

La validation des acquis revient de manière récurrente dans les échanges entre utilisateurs du PEL, mais prenons garde de faire faire à l’outil ce pour quoi il n’est pas fait...

Pourquoi opposer un outil d’auto- évaluation, le Portfolio « juste pour moi » ( outil personnel de réflexion sur les appentissages, de valorisation des marches franchies une à une - A1, A2, B1, B2, C1, C2 ) à l’évaluation par « l’accompagnateur ou le tuteur qui, tôt ou tard, devra bien certifier ces apprentissages », ou d’ailleurs aux évaluations institutionnelles ?

Les certifications en langue ( DNL, etc... ) qui s’appuient sur des descripteurs de compétences langagières, comme ceux du CECRL, font converger avec bonheur les démarches concertées des praticiens dans leurs actes d’enseignement et d’évaluation et celles des apprenants dans leurs apprentissages. Le CECRL ne répond- il pas , dans le ici et maintenant de nos besoins sociétaux , à cette nécessité de réconciliation : Apprendre, Enseigner, Evaluer dans un Cadre ... commun.

- Une définition de l’évaluation d’Howard Gardner [2] réconcilie de même ce qui n’a nullement besoin d’être inconciliable :

« Évaluer c’est recueillir des données sur les compétences et les potentiels des individus dans le double objectif de leur en faire retour utilement et de procurer des informations indispensables à la communauté environnante. »

- Éduquer à la pratique... à la culture de l’auto- évaluation facilite "les échanges d’informations entre les praticiens et les apprenants " (voir Avertissement du CECRL, p.4) et permet de s’inscrire ensemble dans ce que Daniel Coste [3] nomme « La dimension dynamique de la compétence plurilingue » :


« Autant l’idéal de la compétence de communication, telle qu’elle apparaissait dans la didactique des langues à une certaine époque, avait quelque chose de statique, autant la compétence plurilingue, telle qu’elle se manifeste dans des parcours ou des trajectoires, donne lieu à des variations, à des mises en veilleuse, ou à des attritions de variétés linguistiques. Il ne s’agit pas d’aboutir à un objectif final idéalisé, mais de penser au contraire que la compétence plurilingue s’inscrit en permanence dans une évolution. Le parcours de vie d’un locuteur plurilingue comporte constitutivement des variations importantes dans la pondération, l’usage ou la connaissance des différentes variétés de langues qui entrent dans son répertoire."

Une compétence validée à un instant I sur le Portfolio est effectivement condamnée à la «  mise en veilleuse  » dont nous parle Daniel Coste, si elle n’est pas entretenue et réactivée régulièrement... C’est le "constat d’une grande banalité" que rapelle sobrement le CECRL (8.1, p. 133) dans " Place du curricumum scolaire ".

- Les apprenants, pas plus que l’évaluation de leurs compétences ou potentiels, n’appartiennent ni aux praticiens ni systèmes scolaires... « Si on définit le curriculum, ainsi que le voudrait le sens premier, en termes de parcours accompli par un apprenant à travers une séquence d’expériences éducationnelles, sous le contrôle ou non d’une institution, alors un curriculum ne s’achève pas avec la scolarité mais se poursuit en quelque sorte, et comme l’apprentissage, tout au long de la vie. » (PEL 8.4."Evaluation et apprentissages scolaires et extra - ou postscolaires, p.132).


[1Robert Bibeau, dans la revue « Formation et profession » du CRIFPE, Centre de Recherche Universitaire sur la formation et la profession enseignante, vol. 12, numéro 3, juin 2006
... lire l’article en ligne dans son intégralité

[2Howard Gardner, dans « Les intelligences multiples : pour changer l’école : la prise en compte des différentes formes d’intelligence », Paris : Retz, 1996, 236 p