C’est l’une des pierres angulaires de l’installation du bilinguisme dans le système scolaire insulaire. Depuis la rentrée de septembre 2016, l’université de Corse a mis sur pied, via son Ecole supérieure du professorat et de l’éducation (ESPE), un vaste plan de formation en langue corse à destination des professeurs des écoles. Sous l’égide de l’Académie de Corse et de la Collectivité Territoriale de Corse (CTC) , partenaire financier de ce dispositif, ce projet pédagogique vise à « généraliser le bilinguisme dans les écoles à l’horizon 2020, conformément aux objectifs définis par la CTC dans le plan ’Lingua 2020’ », explique le professeur Dominique Verdoni, directrice de l’ESPE, à l’origine du dispositif.
Mis en place sur une période de cinq ans, ce dispositif - complémentaire de la formation des enseignants à la corsophonie initiée dans les années 1980 - a permis de former à la pratique de la langue corse plus de 200 enseignants du premier degré sur l’année scolaire 2016-2017. Extraits de leur salle de classe, les professeurs retournent chaque semaine sur les bancs des écoles pour se mettre dans le bain de la corsophonie, répartis selon quatre groupes de niveaux, et accompagnés par une équipe de formateurs. Un enjeu de taille, à l’heure où le bilinguisme commence à se généraliser dans les écoles corses, au gré des ouvertures de sites bilingues qui requièrent de plus en plus de compétences en corsophonie pour les enseignants. Et pour cause, si la première école bilingue a été ouverte à Riventosa en 1996, la Corse compte aujourd’hui 137 sites bilingues sur 249 écoles dans toute l’île. « La demande sociale autour de la langue corse est en croissance constante depuis plusieurs années, constate Dominique Verdoni. De ce fait, si les besoins pour former les élèves sont en augmentation permanente, les ressources viennent, quant à elles, à manquer. C’est pourquoi ce plan de formation revêt une importance capitale, d’autant qu’aujourd’hui les élèves sortent de l’école primaire avec un niveau de corsophonie qui n’est pas toujours à la hauteur des attentes ». Un enjeu que bon nombre d’enseignants du premier degré ont également saisi. Professeur des écoles depuis près de trois décennies, Sophie Colonna d’Istria, enseignante de cinquante ans officiant au sein de l’école bilingue de Mezavia, à Ajaccio, n’a pas hésité à revêtir son costume d’élève pour se former à la corsophonie.
Durant toute l’année scolaire, elle a pu acquérir avec un groupe de stagiaires venus de toute l’île des compétences linguistiques qu’elle ne maîtrisait pas jusqu’alors, bien qu’elle comprenne le corse depuis son enfance. Au programme : plus de 300 heures de cours avec des exercices de conjugaison, grammaire, orthographe pour maîtriser le corse à l’écrit, mais également une pratique orale et une réactualisation des méthodes pédagogiques, adaptées pour l’enseignement en langue corse. « Cette formation a été pour moi un déclencheur, explique Sophie Colonna d’Istria. Depuis plusieurs années, j’avais à cœur de contribuer au développement de la langue et à sa pérennisation au sein du système scolaire, qui est sans doute l’outil le plus efficace pour apprendre le corse, compte tenu de la capacité d’apprentissage des enfants lorsqu’ils sont très jeunes ».
Après huit mois de formation et l’obtention d’une habilitation à enseigner en corse, Sophie Colonna d’Istria a pu mettre en application au sein de sa salle de classe les nouvelles compétences acquises au cours de la formation, avant de passer une nouvelle certification en langue corse à l’université de Corse. Des compétences qui, du reste, ouvrent également de nouvelles perspectives de carrière pour les professeurs, au regard de la multiplication des écoles bilingues. Mais, malgré l’aspect toujours novateur de ce premier dispositif, les initiateurs du projet veulent déjà voir plus loin : pour généraliser le bilinguisme dans l’ensemble du système scolaire régional, un plan de formation pour les professeurs du secondaire est d’ores et déjà à l’étude par l’ESPE et pourrait être mis en œuvre dans les prochains mois.