Le Conseil Supérieur des Programmes a remis à la Ministre de l’Éducation Nationale le projet de programmes pour les cycles 2, 3 et 4 le 18 septembre. Ce projet présente de manière progressive les objectifs visés et les compétences à travailler dans les 5 activités langagières du CECRL pour les 3 cycles. Même si la distinction entre activités d’entraînement, objectifs et compétences n’est pas toujours clairement établie (par exemple lorsqu’on présente la copie ou la répétition comme des compétences d’expression, respectivement écrite et orale), les différentes rubriques sont présentées de façon lisible et cohérente, en particulier dans la progressivité entre les niveaux A1, A2 et B1 du CECRL.
L’objectif réaffirmé de validation à la fin de la classe de 3e de 2 activités langagières sur 5 au niveau B1 en LV1 est ambitieux. Les auteurs du projet ont sans doute considéré que tous les enfants recevraient un enseignement effectif et efficace de LV1 à l’école élémentaire et qu’ils trouveraient une continuité d’enseignement entre le CM2 et la 6e. L’APLV s’est déjà inquiétée à plusieurs reprises de la discordance entre cette vision théorique de l’enseignement des langues vivantes à l’école élémentaire et la réalité du terrain. Elle réitère aussi ses craintes que l’exigence de la continuité entre le CM2 et la 6e ne signifie tout simplement à terme que seul l’anglais sera enseigné à l’école élémentaire. L’APLV rappelle son attachement à la diversification des langues à l’école, source de liberté, de respect de tous et de toutes les langues, de richesse culturelle et, en outre, avantage évident pour le rayonnement du français ainsi que pour le rayonnement économique de la France à l’étranger.
La dimension la plus gênante du projet est que ses auteurs semblent sérieusement minorer la finalité de l’enseignement des langues vivantes, ou plutôt, pour utiliser un acronyme qui apparaît fréquemment dans le projet, des LVER [1]. À force de répéter que l’étude d’une langue sert à l’apprentissage du français ou à la réalisation de croisements avec d’autres enseignements, on risque d’oublier que cette étude a pour objet primordial l’acquisition d’une compétence langagière, culturelle et cognitive propre, qui est une expérience humaine de décentration irremplaçable. Les auteurs du projet confinent trop souvent les LVER dans un statut subalterne de réservoirs d’images et de clichés culturels au service du français ou des EPI. Les exemples de croisements disciplinaires fournis pages 260 et 261 ne tiennent aucun compte de la spécificité disciplinaire des LVER. Les tâches proposées (comparer les systèmes linguistiques, réfléchir sur la production du vocabulaire, débattre sur les systèmes scolaires, découvrir le monde du travail, etc.) pourraient tout aussi bien s’effectuer – et dans la pratique s’effectueront dans la plupart des cas - en français.
Les auteurs du projet l’ont sans doute vaguement senti, puisqu’ils proposent, pour redonner une place plus importante aux langues, le recours aux DNL (p.250) ou à des dispositifs de type EMILE (p.260). Mais c’est tout simplement ignorer que très peu de professeurs de collège ont une certification à enseigner en langue étrangère, et que la mise en place d’un dispositif de type DNL exige une continuité d’enseignement qu’un EPI mené sur un semestre au mieux ne peut pas proposer. Les craintes de l’APLV que l’introduction des EPI au cycle 4 ne signifie l’affaiblissement de l’enseignement des langues sont confortées par le projet de programmes, alors même que le niveau à valider en fin de 3e s’élève !
Consultation sur les programmes de primaire et de collège - contribution de l’APLV - juin 2015