L’Estonie (1,3 millions, 45.339 km²), la Lettonie (1,9 millions, 64.589 km²) et la Lituanie (2,8 millions, 65.300 km²) sont les petits pays de l’Europe du nord-est que l’on désigne communément par les Pays baltes. Mais c’est sans doute le fait d’être voisins de l’immense Russie qui nous les fait voir petits : la Belgique n’a une surface que de 30.688 km² avec, il est vrai, de 9 à 4 fois plus d’habitants.
Ce qui est peut-être moins connu c’est que les trois pays possèdent chacun leur propre langue. L’estonien est une langue de la famille finno-ougrienne, donc cousine du finnois (le live, autre langue finno-ougrienne parlée en Lettonie, a, selon Wikipedia, disparu en 2013) ; le letton et le lituanien sont des langues baltes, elles sont donc également cousines. Mais l’intercompréhension des citoyens des trois pays se fait, selon les générations, en russe ou en anglais. Ainsi le chauffeur lituanien de notre car parlait russe avec nos guides estonienne et lettonne.
Notre guide lituanienne est une éminente ancienne directrice du département de français de l’université de Vilnius, et ancienne présidente de l’association des enseignants de français du pays. Elle était débordante d’activité et nous a apporté sa grande maîtrise de la culture de son pays. Un grand moment en Lituanie était la visite, sur la presqu’île de Courlande (Neringa en lituanien), de l’ancienne maison d’été du prix Nobel allemand Thomas Mann, qui est devenue un musée et un important centre culturel germano-lituanien.
Le lecteur aura compris, nous venons de faire un voyage à travers les trois pays qui nous a permis, entre autre, d’avoir un bref aperçu des particularités linguistiques de chacun d’eux. En Estonie et en Lettonie la présence de l’allemand est encore palpable, surtout dans les documents et œuvres d’art des musées, mais aussi dans la langue parlée d’aujourd’hui. En effet, l’allemand était pendant longtemps, même lorsque la Russie avait pris possession de la région, la langue officielle imposée par les envahisseurs de l’ordre teutonique et plus tard par les barons des domaines agricoles et la bourgeoisie des villes. Mais plus tard encore le russe a bien sûr également influencé les langues des trois pays.
Avec des réserves qui s’imposent par mon manque de maîtrise de ces langues je veux donner un petit aperçu de la situation linguistique de la télévision. Dans les trois pays on peut voir des chaînes avec des films en langue étrangère, bien sûr surtout en anglais, sans sous-titres. D’autres chaînes sont sous-titrées (surtout en Estonie) ou diffusées avec une voix superposée en langue du pays ou en russe, surtout en Lituanie (où on pouvait même, dans un hôtel de Vilnius, regarder la chaîne russe RTR Planeta). Dans un hôtel lituanien au bord de la Baltique (mais pas à Vilnius) il était possible de regarder certaines chaînes de cinéma avec, au choix, la langue originale, le doublage lituanien ou des sous-titres de la langue, au choix, de chacun des trois pays. Quel rêve !
À Vilnius nous avons rencontré le multilinguisme total. Non seulement on trouve parmi les citoyens de la ville au moins quatre grands groupes aux langues maternelles différentes, mais surtout il y a la République d’Užupis. Il s’agit d’une république libre (jumelée à celle de Montmartre) qui s’est dotée d’une constitution assez particulière (article 14 : Tout être humain a le droit de ne pas savoir parfois s’il a des devoirs). Le texte comporte 41 articles et est affiché sous forme de grandes plaques bien matérialisées sur un mur de la rue Paupio. Il y a à l’heure actuelle, si j’ai bien compté, 41 plaques contenant autant de traductions en langues diverses. Ces plaques s’étalent donc aujourd’hui sur plusieurs dizaines de mètres et peuvent être complétées par d’autres traductions. Chaque traduction est présentée par un ambassadeur officiel...