Comment un jeune professeur adhère à l’APLV, par François Monnanteuil, Président d’honneur de l’APLV
C’est en passant devant les présentoirs d’une bibliothèque universitaire que j’ai vu pour la première fois un numéro des Langues Modernes. Les titres apparaissaient alors, comme le nom de la revue, en majuscules noires sur fond blanc. Seul le nom de l’association était présenté en milieu de couverture sur un fond rose qui anticipait le logo blanc et rouge situé en bas à droite de la page. Le premier titre de ce numéro 2/74 avait attiré mon attention : « Le baccalauréat ». C’était particulièrement intéressant pour qui débutait dans l’enseignement, d’autant qu’un article était consacré au « baccalauréat de technicien section G » et que j’enseignais notamment dans ce type de classe. Une circulaire venait de modifier légèrement les modalités de l’épreuve de langue vivante et Martine Robinet, qui exerçait alors au Lycée Jean Lurçat et au CRDP de Paris, analysait le fonctionnement de l’oral fondé sur la liste des textes étudiés pendant l’année. Elle en montrait les limites et appelait de ses vœux un « enseignement dynamique, fondé sur la compréhension écrite ou orale », qui prépare les élèves de lycée à « affronter des situations linguistiques nouvelles ». Dans le même numéro, une classe d’espagnol était présentée comme « une invitation au voyage » tandis que Michel Reffet illustrait à partir d’un texte allemand le commentaire de document de civilisation, qui commençait à conquérir sa place dans la formation des futurs professeurs de langues. Dans sa Note du président, Gérard Hardin analysait l’actualité à la lumière du travail de réflexion conduit par l’association sur « la nature, la finalité, la didactique de notre discipline et la place des langues dans le projet global d’éducation ». En feuilletant ce numéro, je perçus l’intérêt de la réflexion sur les méthodes et les enjeux de l’enseignement des langues en général, au-delà des seules spécificités de la langue étrangère que chacun de nous enseigne. Après avoir acheté ce numéro des Langues Modernes et l’avoir lu attentivement, je résolus rapidement d’adhérer à l’association.
Au fil des livraisons de la revue, j’ai retrouvé le double intérêt que j’avais perçu à la lecture du numéro 2/74 : les préoccupations pédagogiques proprement dites et la réflexion plus générale sur l’enseignement des langues. Naturellement, les suggestions pédagogiques présentées dans certains articles ne me semblaient jamais susceptibles d’être adoptées en l’état. Pourtant, la lecture d’autres expériences pédagogiques m’était plus utile que je n’en étais conscient. Je me suis ainsi surpris à utiliser pendant les cours, sans vraiment y avoir songé auparavant, telle ou telle suggestion que j’avais vue dans Les Langues Modernes. De même, les analyses sur la situation de l’enseignement des langues ou sur la didactique des langues n’avaient en apparence guère d’utilité immédiate pour l’exercice quotidien du métier. Elles m’ont cependant aidé à comprendre le statut des langues dans mon lycée, elles m’ont aussi incité à porter attention au comportement de mes élèves dans les autres langues qu’ils étudiaient ou à interpréter, le cas échéant, les écarts de résultats avec d’autres disciplines en fonction des caractéristiques propres à l’apprentissage des langues vivantes.
Le contexte scolaire a évidemment changé en trente ans. Mais, dans son premier poste, un professeur titulaire débutant doit toujours apprendre à adapter aux élèves de l’établissement dans lequel il exerce les techniques pédagogiques qu’il a acquises pendant son année de stage. Avec le temps, il se construit à partir de tous les éléments de sa formation initiale une stratégie d’ensemble qui tient compte des principes de la didactique de sa discipline, des élèves avec qui il travaille, et aussi de sa propre personnalité intellectuelle. Cette construction est faite de réussites et d’échecs ; elle est nécessairement hésitante, et parfois laborieuse. Au delà des dispositifs d’accompagnement mis en place dans les académies, il est alors particulièrement précieux de pouvoir nourrir sa réflexion de l’expérience des autres, exprimée librement, en dehors de tout contexte hiérarchique, pour se construire son identité professionnelle.
Bien vite, la lecture de la revue me parut toutefois insuffisante ; il y manquait une forme de contacts humains et j’ai eu envie de connaître les visages dont je lisais avec respect le nom en bas des articles de la revue. Je décidais donc d’assister à l’assemblée générale, qui cette année-là avait lieu à Dijon. Les échanges qui s’y déroulaient dans un climat de totale liberté me semblaient le complément naturel, indispensable même, de la lecture de la revue pour poursuivre ma réflexion sur mon métier. Je me mis à fréquenter assidûment les assemblées générales, les journées d’études et les stages d’été de l’APLV, sans penser que comme dans toute association de bénévoles, la participation régulière aux réunions amène à se voir proposer des responsabilités dans le fonctionnement de l’association...