L’Interview de Marie-Héléna Taquet - Projet européen ELOS
Marie-Héléna Taquet est Adjointe à la Délégation Académique aux Relations Internationales et à la Coopération (DARIC) de l’académie d’Orléans-Tours. Elle coordonne, entre autres missions, les activités du partenariat français d’un projet européen ELOS, dans le cadre d’un Réseau Comenius 3.
APLV : Pourriez-vous nous rappeler brièvement, Mme Taquet, quelles sont les missions d’une DARIC ? Et d’abord, comment y obtient-on un poste ?
M-H.T : Les DARIC ont une mission de communication, d’information, d’accompagnement de projets pour tout ce qui a trait à l’international dans le milieu scolaire. Les postes disponibles paraissent au B.O. et les personnes qui font acte de candidature sont convoquées à un entretien si elles correspondent au profil recherché. Le choix est basé sur la formation et la maîtrise de langues étrangères, mais aussi les expériences à dimension internationale dans le cadre de l’éducation.
APLV : L’académie d’Orléans-Tours est « le » partenaire français du réseau européen ELOS. Que signifie ce sigle ? Quels sont les objectifs principaux du projet ? Dans quel cadre a-t-il été créé ?
M-H.T : ELOS, qui a été initié aux Pays-Bas, est l’acronyme d’une expression néerlandaise se traduisant en français par « l’Europe comme environnement d’apprentissage dans les établissements scolaires ». C’est un réseau européen Comenius 3 qui a été validé en 2005 par la Commission Européenne pour une durée de 3 ans. ELOS constitue donc non seulement une plateforme assurant une coopération solide et durable entre les partenaires, mais aussi un forum de réflexion sur l’intégration, dans les contenus d’enseignement, d’une formation transdisciplinaire et approfondie sur l’Europe, ainsi que sur le développement de compétences européennes chez les élèves pour les amener progressivement à se sentir citoyens européens.
APLV : Quels sont les pays partenaires de ce réseau ? Sur quels critères ont-ils été sélectionnés ? Comment le réseau s’est-il organisé au niveau européen ? au niveau national ?
M-H.T : Les partenaires de ce réseau sont des instances éducatives de 11 pays partenaires : l’Allemagne, l’Espagne, la France, la Grande-Bretagne, l’Irlande, l’Italie, la Lituanie, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, et le Portugal. Un Comité scientifique ELOS, constitué d’un expert de chaque pays partenaire, élabore le matériel pédagogique, et les 11 conseils nationaux d’experts en vérifient l’adéquation avec leur politique éducative nationale. Ces experts sont pour la plupart issus des milieux de la recherche dans le cadre universitaire, gouvernemental ou communautaire. Nous assurons ainsi tant l’harmonisation des documents créés que le respect des orientations et des systèmes éducatifs de chaque pays. De plus, les 11 coordinateurs nationaux organisent régulièrement des réunions d’analyse, de bilan et de planification au niveau national et européen. Un Comité académique du Réseau ELOS (CARE), constitué d’inspecteurs de diverses disciplines, de chefs d’établissement et de moi-même, se réunit deux fois par mois afin de procéder à une analyse détaillée de la situation et de l’évolution du projet dans l’académie et d’organiser des visites d’accompagnement pour aider à la mise en place d’ELOS dans les établissements expérimentaux.
Les partenaires européens ont en commun la grande qualité de leur formation et de leur expérience professionnelle en matière d’éducation et d’Europe.
APLV : Pour quelle raison le pilotage du projet en France a-t-il été confié à un rectorat, et non à un établissement ou un groupement d’établissements ? En est-il de même ailleurs ?
M-H.T : C’est, de fait, la particularité des réseaux Comenius 3 que d’être mis en œuvre par les instances éducatives de plusieurs pays qui elles-mêmes assurent le lien avec des établissements scolaires.
APLV : Quels sont les publics-cibles d’ELOS : élèves, enseignants, administration, parents ? Combien d’établissements sont concernés en France (et au total ?) ? Sur quels critères ont-ils été choisis ?
M-H.T : Les publics-cibles sont en priorité les élèves mais aussi, bien évidemment, les équipes pédagogiques et administratives et également les parents. L’académie d’Orléans-Tours est pilote de ce projet pour la France. A ce titre, nous avons sélectionné 20 établissements expérimentaux de l’Education Nationale, et 3 de l’enseignement agricole. Les critères de sélection sont essentiellement : une politique internationale dynamique au sein de l’établissement, un ensemble d’enseignants motivés pour développer le projet et un soutien sans faille du chef d’établissement et de ses adjoints. L’adhésion des élèves et des parents au projet est également un facteur important. Sept autres établissements en France sont associés à ELOS puisqu’ils sont déjà en partenariat avec des établissements expérimentaux d’autres pays du réseau.
Au total, ELOS donne accès à un réseau d’environ 300 établissements à travers l’Europe qui participent à la même réflexion, travaillent dans la même perspective et testent le même matériel pédagogique, ce qui étend considérablement les possibilités d’établir des partenariats et de mettre en place des échanges.
APLV : Quels sont les principaux thèmes (éducatifs, sociétaux, civiques, culturels, etc.) mis en avant par ELOS ? Les établissements peuvent-ils choisir ou doivent-ils se conformer aux choix de l’académie ?
M-H.T : Les enseignants choisissent avec leurs partenaires la ou les thématiques qui sous-tendent leur partenariat. ELOS encourage la transdisciplinarité mais n’impose aucun thème. La motivation reste le moteur indispensable à tout projet, et cela suppose de travailler sur des thèmes qui plaisent avant tout aux porteurs de projets et à leurs élèves. Nous constatons toutefois que l’interculturalité, la culture des jeunes à travers les pays, le développement durable et les questions de solidarité sont des thématiques récurrentes qui suscitent beaucoup d’enthousiasme tant chez nous que chez nos partenaires.
APLV : Pouvez-vous donner quelques exemples d’activités réalisées dans le cadre d’ELOS : au sein des établissements, entre établissements, etc. ? Est-il prévu des échanges entre élèves, entre classes, etc. ?
M-H.T : ELOS favorise les échanges postaux, électroniques et/ou en présence entre élèves, entre enseignants, entre personnes de l’administration, et bien sûr les dispositifs européens de type Comenius, e-Twinning, Arion… sont des supports considérables. Des expositions sont organisées au sein des établissements, des repas européens sont servis dans les cantines, des pièces de théâtre ou des comédies musicales sont préparées et jouées ensemble avec les partenaires lors d’échanges, des dictionnaires bilingues sur des thématiques précises sont rédigés, des CD-Roms sont créés et certains établissements nous réservent encore de belles surprises.
APLV : Le concept de compétence européenne est au cœur de votre projet : que recouvre-t-il précisément ? Comment l’élève peut-il acquérir cette compétence ? Comment celle-ci sera-t-elle évaluée,et par qui ? Est-il prévu une forme de « certification » ?
M-H.T : Le projet s’articule autour des Compétences-Clés identifiées dans la Stratégie de Lisbonne et, au niveau national, sur le Socle Commun des Connaissances et des Compétences. Le Comité scientifique ELOS a élaboré, sur le modèle du Cadre Européen Commun de Référence des Langues (CECRL), un cadre commun des compétences européennes. Ces compétences sont réparties selon 3 rubriques
[1] :
3) s’informer : je suis un citoyen européen averti qui peut trouver, analyser et évaluer toute information liée à l’Europe et au reste du monde, et je sais mettre ces connaissances à profit.
4) participer : je peux participer de façon constructive à une action ou un projet en collaboration avec des élèves de pays étrangers.
5) s’exprimer : je peux communiquer avec aisance et efficacité dans un espace européen et international.
Six niveaux de compétences sont définis pour chaque élément constitutif des compétences : à savoir la connaissance, le savoir-faire, l’attitude. Un portfolio, outil d’évaluation à destination des élèves, est en cours de réalisation. Des outils d’évaluation suivront et le Comité scientifique envisage la possibilité d’une certification qui serait annexe aux diplômes nationaux. Il faut savoir qu’ELOS en est encore à sa phase expérimentale et que tous nos travaux sont en chantier. Par ailleurs, les réactions des enseignants et des élèves qui testent le matériel élaboré au sein du réseau nous sont précieuses, car nous souhaitons adapter ces outils afin qu’ils répondent au mieux à leurs besoins.
APLV : Quelle est la place des langues vivantes dans votre dispositif ? Les langues autres que l’anglais y ont-elles une place ?
M-H.T : ELOS encourage l’approche communicative des langues vivantes et la diversité linguistique. Il est important que l’élève prenne conscience de la diversité des langues en Europe et qu’il considère normal de développer des compétences de communication dans plusieurs langues vivantes. ELOS encourage ainsi toute forme d’échanges, et plus particulièrement la mobilité qui permet une exposition directe des jeunes avec des locuteurs locaux. De plus, le Cadre commun des Compétences européennes évoqué plus haut réserve une large place à la communication en plusieurs langues et au CECRL. Il nous paraît crucial qu’au-delà d’une discipline scolaire, l’apprentissage d’une langue prenne sens, concrètement, dans la vie des élèves.
APLV : Quel bilan faites-vous de ces deux années d’expérience ? Quel impact le projet a-t-il eu sur les élèves, les enseignants, les établissements ? Sera-t-il étendu à d’autres académies ?
M-H.T : Comme je vous l’ai indiqué ELOS est en pleine phase expérimentale, il est donc un peu prématuré de faire un bilan et d’évaluer le projet dans son ensemble. Nous sommes heureux, cependant, de constater que l’impact est plutôt positif. Les établissements ont accueilli ELOS avec enthousiasme - teinté parfois de crainte au départ- et les équipes considèrent la participation à ce projet comme une belle opportunité pour aider les élèves à développer des compétences européennes qui leur permettent de mieux s’ouvrir aux autres cultures, de mieux appréhender un marché de l’emploi qui se « globalise », de mieux comprendre le monde dans lequel ils vivent, et d’agir efficacement comme citoyen dans un espace public national et transnational.
Propos recueillis par B. Delahousse