Institutionnellement, le français en CLA (Classe d’accueil dans les collèges), en CLIN (classe d’initiation) ou en CRI (Cours de Rattrapage Intégré) est actuellement désigné par l’appellation FLS.
Selon le récent Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde (2003), l’expression FLS désigne un domaine d’enseignement du français, inscrit dans les pratiques depuis la fin du XIX° siècle, concernant les publics ruraux allophones et les publics scolaires des pays colonisés, mais dénommés comme tel depuis 1969, comme le précise Jean-Pierre Cuq (1991). Cette période voit se développer le taux de scolarisation dans les anciennes colonies françaises, développement qui amène à l’école des publics d’élèves ruraux ou urbains issus des quartiers populaires, dont les familles n’entretiennent aucun rapport particulier avec le français. La formule FLS, fréquemment utilisée sans que la notion soit clairement définie, a des acceptions largement différentes selon les pays et selon les auteurs. La notion a été souvent interrogée par les chercheurs et les praticiens opérant dans ce domaine, comme en témoignent de nombreux numéros spéciaux de revue de linguistique et de didactique, tel le numéro 2 de la revue Lidil, du laboratoire Lidilem de l’université Stendhal de Grenoble, coordonné par Louise Dabène en 1970 : « les langues et cultures des populations migrantes : un défi à l’école française ».
C’est Jean-Pierre Cuq qui pose en 1991, le statut scientifique de la notion de français langue seconde. Le FLS est défini dans son ouvrage, comme un concept ressortissant au domaine du FLE, avec des spécificités linguistiques et institutionnelles, pour lequel est esquissée la définition suivante :
« Le FLS est un concept ressortissant aux concepts de langue et de français. Sur chacune des aires où il trouve son application, c’est une langue de nature étrangère. Il se distingue des autres langues étrangères éventuellement présentes sur ces aires par ses valeurs statutaires, soit juridiquement, soit socialement, soit les deux et par le degré d’appropriation que la communauté qui l’utilise s’est octroyé ou revendique. La plupart de ses membres le sont aussi et le français joue dans leur développement psychologique, cognitif et informatif, conjointement avec une ou plusieurs autres langues, un rôle privilégié. » (1991)
Cette définition ne peut cependant s’appliquer au domaine du français enseigné aux élèves allophones, puisque la fin prévisible du processus doit être la maîtrise du français langue de communication, mais aussi langue de scolarisation, pour mener à l’insertion, nécessité qui distingue nettement les migrants, des autres groupes évoqués dans la définition.
Pour définir ce domaine particulier, Gérard Vigner établit, la notion de langue de scolarisation :
« langue apprise pour enseigner d’autres matières qu’elle-même et qui peut, dans certains pays, être présente dans l’environnement social des élèves. » (1992, p.40)
On retrouve ces fonctions du français, matière d’enseignement mais aussi vecteur d’apprentissage, prises en compte dans la définition la plus récente du français langue seconde, énoncée dans le Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde (2003), définition dont l’extrait suivant reprend le concept de langue de scolarisation :
« ...Cette dénomination, fondée sur l’ordre supposé d’acquisition des langues, désigne habituellement un mode d’enseignement et d’apprentissage du français auprès de publics scolaires dont la langue d’origine est autre que le français et qui ont à effectuer tout ou partie de leur scolarité dans cette langue. Les publics concernés peuvent être des apprenants nouvellement arrivés dans un pays majoritairement francophone (France, Suisse, Belgique, Canada), en vue d’y être scolarisés. Un enseignement spécifique du français leur est dispensé dans des structures d’accueil qui assurent la transition entre une première approche du français comme langue étrangère et le français utilisé comme langue de scolarisation... » (p.109)
La spécificité de cet enseignement apparaît très nettement dans les réflexions didactiques et institutionnelles des vingt dernières années, qui ont tenté de définir des priorités éducatives, de donner des propositions de réponse aux questions suivantes :
- comment aider un groupe d’élèves, dont l’hétérogénéité atteint dans ce type de structure, son degré maximal, à apprendre le « français de scolarisation », « langue d’intégration scolaire » ?
- comment aborder le français comme outil transversal d’échange dans l’acquisition des savoirs à l’écrit et à l’oral ?
Du point de vue institutionnel, les programmes de français au collège de 1985, consacrent quelques lignes aux « cas particuliers des élèves en difficulté », pour le niveau sixième, dans le chapitre consacré aux activités de lecture. Ces recommandations intitulées « application aux élèves non-francophones » conseillent la lecture à voix haute, des exercices de phonologie et l’étude de textes en français facile. De 1995 à 1998, les documents d’accompagnement des programmes de français de la sixième à la troisième, proposent des exemples de séquences pédagogiques, définissent dans leur glossaire les termes « allophone » et « français langue seconde » et dégagent les grandes caractéristiques de l’enseignement du français aux non-francophones :
- l’objectif d’intégration dans le système éducatif français ;
- l’organisation de parcours scolaires parallèles, l’un dans le cours de FLS, l’autre dans les classes de niveau ;
C’est seulement en 2000, que sont publiées les premières recommandations officielles concernant l’enseignement du français aux primo-arrivants, dans une brochure intitulée Le français langue seconde, qui propose aux enseignants une réflexion sur les objectifs et les enjeux, mais aussi sur les méthodes et les contenus d’apprentissage, en précisant les finalités du FLS, domaine qui fait désormais partie du français, discipline scolaire. Ce document fait exister institutionnellement un nouveau domaine didactique, tente d’harmoniser des choix pédagogiques très divers opérés par les enseignants de classe d’accueil, de mettre par conséquent en cohérence des pratiques de classe très hétérogènes. La publication de cette brochure, conçue par un groupe d’experts (professeurs de collège, inspecteurs fomateurs, universitaires) dans la logique de la réforme des programmes de français au collège, coordonnée par Alain Viala, Denis Bertrand et Gérard Vigner, permet de cerner un domaine difficile à situer entre l’enseignement du français comme langue maternelle et l’enseignement du français comme langue étrangère. Il s’agit « d’un référentiel de compétences exemplifié à partir duquel le professeur pourra bâtir un plan de formation ». (Vigner 2005, p.172). Bien que ce document ne soit pas publié dans la même collection que les programmes de français au collège, il s’inscrit dans leur logique puisqu’il est fondé sur les mêmes principes : le principe théorique est celui de la maîtrise des discours, le principe pédagogique réside dans la mise en oeuvre du travail sous forme de séquences. Tout en conseillant l’utilisation d’outils pédagogiques issus de la didactique du FLE le Français langue seconde fixe des objectifs plus ambitieux :
- enseigner à communiquer à l’école, comprendre les consignes, intervenir en cours, fournir des textes écrits, maîtriser les instruments métalinguistiques ;
- aborder les contenus d’enseignement du FLM, lire les textes littéraires pour entrer dans la connaissance d’une culture, de ses valeurs, de ses lieux de mémoires et s’initier à l’analyse de texte.
La circulaire du 25 avril 2002 insiste sur le recours à des approches de méthodologies composites en spécifiant :
L’objectif essentiel est la maîtrise du français envisagé comme langue de scolarisation. A ce titre, les finalités ordinairement retenues dans les démarches d’apprentissage du français langue étrangère ne sont pas forcément celles qui doivent l’être ici, même si un certain nombre de techniques d’apprentissage peuvent être utilement transposées ici."
La publication de ces textes officiels s’accompagne à la même époque de rencontres, d’échanges et de recherches en didactique du français, animés par la question : quel français enseigner en classe d’accueil ?
C’est sur le thème « Français et insertion » que l’ASDIFLE choisit de tenir ses XXXI° et XXXII° rencontres en mars et en octobre 2003. La question du français langue seconde - langue de scolarisation réunit alors enseignants-chercheurs en collaboration avec des représentants des rectorats, des CASNAV (Centres Académiques pour la Scolarisation des Nouveaux-Arrivants et des Enfants du voyage), des IUFM (Instituts Universitaires de Formation des Maîtres), et des associations professionnelles et sociales. A l’occasion de ces rencontres, Michèle Verdelhan (2003, p.138) précise le concept de FLSco, français langue de scolarisation :
« Contrairement à la notion de langue seconde, qui se positionne par rapport au FLE ou au FLM, selon des territoires géographiques, sociolinguistiques ou psycholinguistiques différents, le français de scolarisation n’est pas un champ particulier, une variante quelconque du FLS par exemple. C’est une fonction transversale à la langue maternelle et à la langue seconde. On peut l’analyser en composantes ou sous-fonctions, dont on trouvera une analyse plus fine dans le »français de scolarisation« »
Le document du ministère ne propose pas de progression établie a priori, mais rappelle que chaque élève nouvellement-arrivé doit, au terme d’une année de scolarisation en classe d’accueil pouvoir suivre l’ensemble des enseignements dispensés dans sa classe d’inscription et suivre notamment des cours de français.
Le français pour apprendre, ou français de scolarisation (FLSco), adopte donc le même objectif que le FLM : acquérir dans les délais les plus rapides la maîtrise du français dans sa variété élaborée, cultivée, qui est celle de l’école...
N.B : la note de service n°2004-175 du 19-10-2004 reconnaît le FLS comme discipline scolaire en établissant les modalités de l’organisation de l’attribution d’une « certification complémentaire » pour permettre aux enseignants des premier et second degrés de valider des compétences particulières qui ne relèvent pas du champ de leur concours et aussi de constituer un vivier de compétences pour certains enseignements pour lesquels il n’existe pas de sections de concours de recrutement et, à terme, de mieux préparer le renouvellement des professeurs qui en ont eu la charge."
Marie-Pascale Hamez
Equipe Théodile (EA 1764)
2006
Bibliographie :
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- CUQ Jean-Pierre, 1991, Le français langue seconde : origine d’une notion et implications didactiques, Paris, Hachette F.
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- CUQ Jean-Pierre, 2003, Dictionnaire encyclopédique de didactique du FLE, CLÉ International.
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- VERDELHAN-BOURGADE Michèle, 2002,Le Français de scolarisation. Pour une didactique réaliste, Paris, PUF, chap.2, pp.27-43.
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- VERDELHAN-BOURGADE Michèle, 2003, « Du français langue étrangère au français langue seconde et au français langue de scolarisation : des compétences différentes », dans Les Cahiers de l’ASDIFLE, Français et insertion, actes des 31° et 32° Rencontres, n°15.
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- VIGNER Gérard, 1992, « Le français langue de scolarisation », dans Études de Linguistique Appliquée", Français langue seconde, n°88, Paris, Didier Érudition.
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- VIGNER Gérard, 2005, « la formation des enseignants intervenant auprès de publics d’élèves non-francophones, le cas de la France » dans Le français dans le monde, n° spécial.
Textes officiels :
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- Bulletin officiel spécial n°10 du 25-04-02
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- Le français langue seconde, 2000, collection Collège, Série Repères, CNDP.
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- Accompagnement des programmes 6°/5°/4°/3°, 1996, CNDP.
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- Accompagnement des programmes de 5°-4°, 1997, CNDP.
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- Accompagnement des programmes de 3°, 1999, CNDP.
Revues :
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- Lidil 1970, « Les langues et les cultures des populations migrantes : un défi à l’école française », n°2, coordonné par Louise Dabène.
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- VEI Enjeux, octobre 2001, « la scolarisation des élèves nouvellement-arrivés en France : actes des journées nationales d’étude et de réflexion organisées par la direction de l’enseignement scolaire », Paris, CNDP, hors série n°3.
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- Etudes de linguistique appliquée, mars 2004, « FLE/FLM/FLS, un enjeu politique, social, culturel et éthique », coordonné par Chantal Forestal.
Lectures en ligne :
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- BERTRAND Denis, CHISS Jean-Louis, MARCUS Catherine, VIGNER Gérard, "le français langue seconde" : présentation du document d’accompagnement pour l’enseignement du français en classe d’accueil, dans VEI enjeux,octobre 2001, hors série n°3, pp.49-70.
http://www.cndp.fr/RevueVEI/hs3/04907011.pdf
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- ROLLAND Dominique, « Français langue étrangère ou français langue seconde : le grand écart » dans Le Français dans le monde, juillet-août 2000.
http://www.fdlm.org/fle/article/311/flefls.html
Pour compléter : la bibliographie FLS du CIEP.
Plus d’infos sur les outils et pratiques de classe du FLS ?
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