Madame la ministre de l’Éducation nationale a présenté le projet de réforme du collège « Mieux apprendre pour mieux réussir » le 11 mars 2015.
Le ministère a communiqué grilles horaires, cadrage des « marges de manœuvre » et des « enseignements pratiques interdisciplinaires » le 17 mars.
Le projet de socle commun propose qu’à la fin du cycle 4 (fin de troisième) « l’élève pratique au moins deux langues vivantes, étrangères ou régionales, dont l’anglais ».
S’il faut reconnaître que, de nos jours, une bonne maîtrise de l’anglais est nécessaire et donc que cette langue jouit d’un statut privilégié, puisqu’elle est, pour la quasi-totalité des élèves, l’une des deux ou trois apprises au cours de la scolarité, il convient aussi de souligner que cette généralisation ne doit pas se faire au détriment de la diversification de l’enseignement des langues. En effet, cette diversification est en cohérence avec l’adossement des programmes de langues au CECRL et avec les préconisations européennes. En outre, elle va, de toute évidence, dans le sens des intérêts économique, politique et culturel de la France.
Les « ressources humaines » existent : un nombre non négligeable de professeurs des écoles possèdent une licence ou une habilitation dans une langue autre que l’anglais. Aussi l’école élémentaire doit-elle permettre le choix de la langue partout où c’est possible, avec la garantie que celle-ci pourra continuer d’être étudiée comme LV1 au collège.
L’APLV reconnaît la logique d’un démarrage d’une LV2 en cinquième, puisque l’apprentissage d’une LV1 à l’école élémentaire commence depuis 2007 en CE1, et depuis 2013 en CP. Cette mesure est aussi en cohérence avec la nouvelle organisation des cycles scolaires, qui fait de la sixième la dernière classe du cycle 3 et fait débuter le cycle 4 en cinquième.
Cependant, l’APLV considère qu’un certain nombre de points de la réforme, loin d’améliorer l’enseignement des langues vivantes en France, vont le détériorer, conduire à un gâchis de compétences et, inévitablement, accroître les inégalités entre élèves, tout cela en contradiction avec les intentions affichées.
– L’apprentissage de la LV1 est obligatoire à l’école élémentaire depuis 2003, mais le Ministère a renoncé à vérifier les compétences en langues des professeurs des écoles et à les leur faire acquérir. Pire, des professeurs des écoles possédant une licence ou une habilitation dans une autre langue sont priés d’enseigner l’anglais. Ainsi sont gâchées des compétences pour des raisons qui ne sont pas, à l’évidence, de nature pédagogique. Dès lors, la qualité de l’enseignement dispensé ne peut être, au mieux, que très inégale.
Le projet de réforme propose de diminuer d’une heure l’horaire d’enseignement de la LV1 en sixième alors que les résultats disparates des élèves à l’entrée au collège entraîne une très grande hétérogénéité dans cette classe. Cette mesure pénalisera surtout les élèves les moins avancés.
– L’introduction de la LV2 en cinquième est prévue sans augmentation de l’horaire global : trois fois deux heures sur les trois ans du cycle 4 au lieu de deux fois trois heures en quatrième et troisième de l’ancien palier 2. La dilution dans le temps de l’exposition à la langue diminuera l’efficacité de son apprentissage, ce qui de nouveau sera préjudiciable aux élèves ne pouvant bénéficier d’une exposition hors de la classe.
La solution avancée par certains (ventilation de l’horaire hebdomadaire en 3 ou 4 séances plus courtes), par exemple Madame Robine [1], directrice de la DGESCO, n’est pas généralisable, ni même envisageable, sans une réorganisation totale du temps scolaire dans les établissements.
– La quasi-disparition de fait des sections bilangues et la suppression des sections européennes représentent une perte de compétence. Les travaux menés pendant de nombreuses années par les enseignants de ces sections ont permis d’enrichir la palette des démarches didactiques qu’il serait souhaitable de réinvestir dans l’ensemble du système éducatif.
Par ailleurs, s’il fallait supprimer tous les dispositifs spécifiques ou dérogatoires, il faudrait alors faire le deuil de toutes les classes à horaires aménagés (CHAM, CHAT, sport, etc.), ce qui reviendrait à niveler par le bas. En tout état de cause, on ne saurait tirer argument de la critique des stratégies de quelques-uns visant à contourner la carte scolaire, ou à créer des classes protégées, pour refuser à tout le monde des options offrant des enseignements intéressants.
L’APLV craint que les mesures envisagées ne soient qu’un prétexte pour atteindre des objectifs d’économie. Cette préoccupation exclusive va à l’encontre des objectifs affichés dans le projet de réforme : améliorer l’enseignement des langues et réduire les inégalités, comme le préconise la loi de refondation de l’école adoptée en 2013. Et ceci alors que les effectifs de classe ne diminuent pas, que les dernières évaluations CEDRE (Cycle d’Évaluations Disciplinaires Réalisées sur Échantillon) en langues vivantes révèlent une baisse de la performance des élèves, et que l’horaire de langues vivantes continue à diminuer en lycée [2], ce qui rend impossible le rattrapage des retards accumulés au cours des cycles précédents.
Le 25 mars le MEN a proposé que l’horaire de 2h/semaine de LV2 pour chacune des trois années du cycle 4 prévu dans le projet soit augmenté de 30 min. L’APLV estime qu’à moins de 3 heures par semaine, surtout dans les conditions actuelles d’enseignement-apprentissage des langues, avec des classes hétérogènes et des effectifs chargés, cet enseignement sera inefficace pour un grand nombre d’élèves.
Ci-dessous les projets de décret et d’arrêté communiqués le 31 mars 2015 par le MEN.
Ci-dessous le projets de décret présenté le 10 avril au CSE
On note :
– en sixième : 4 heures /semaine pour la LV1
– sur les trois ans du cycle 4 : 3h/semaine pour la LV1, 2h30 /semaine pour la LV2