Calendrier :
Publication de l’appel : novembre 2019
Soumission des propositions d’articles (3000 signes maximum y compris les indications bibliographiques) au coordonnateur et à la rédactrice en chef : 15 mars 2020.
Réponse du coordonnateur et de la rédactrice en chef : 20 mars 2020.
Retour des tapuscrits au coordonnateur et à la rédactrice en chef : 8 mai 2020.
Examen des articles par le comité de lecture des Langues Modernes : juin 2020.
Retour des articles finalisés selon les commentaires du comité de lecture : 1er octobre 2020.
Publication du numéro : décembre 2020.
Contacts : Coordonnatrice : Laura Abou Haidar, laura.abou-haidar@univ-grenoble-alpes.fr, rédactrice en chef des Langues Modernes, Émilie Perrichon : redaction.languesmodernes@gmail.com
Ce numéro de la revue Les Langues Modernes propose un focus sur l’enseignement de la prononciation en classe de langue, et ce choix éditorial est à saluer. Cette décision est d’autant plus importante que deux initiatives marquantes sont venues consolider la prise en compte des différentes dimensions de l’oral en classe de langue.
Du côté du Conseil de l’Europe et des travaux autour du Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (Conseil de l’Europe, 2001), une décision majeure a été prise d’enrichir le CECRL par un « ensemble complet de descripteurs phonologiques » (Conseil de l’Europe, 2018), conséquente à une prise de conscience du fait que « l’échelle phonologique a été la moins réussie » (id., 2018 : 140) dans l’édition de 2001. C’est ainsi que dans un volume complémentaire qui pose les jalons d’une véritable prise en compte de la complexité de la structure phonologique et phonétique des langues dans une perspective didactique, le rapport rédigé par Enrica Piccardo (Conseil de l’Europe, 2016) constitue une vraie avancée : la dimension phonétique et phonologique est désormais considérée comme faisant réellement partie intégrante des volets enseignables des langues, au même titre que des dimensions plus « traditionnelles », telles que la grammaire ou le lexique. Cette prise de conscience est sans doute aussi le résultat d’une réflexion disciplinaire plus globale qui s’exprime par un intérêt généralisé pour la phonétique dans une perspective didactique, comme en témoigne la succession de publications collectives ciblant la dimension phonétique ces dernières années (Abou Haidar & Llorca, 2016 ; Sauvage & Billières, 2018 ; Candea, Planchenault & Trimaille, 2019 ; Miras & Vignes, 2019). Cet intérêt pour la prononciation dans une perspective didactique, s’il est relativement récent pour la langue française, est plus ancré dans les travaux sur la langue anglaise : le colloque EPIP (English Pronunciation : Issues and Practices) tiendra en effet sa 7e édition en 2021. Dans tous les cas, ce mouvement de fond correspond à une véritable réhabilitation de cette discipline, longtemps considérée comme un « parent pauvre » en didactique.
Le deuxième élément à considérer consiste en l’introduction d’un « grand oral » dans le baccalauréat français réformé. En soi, cela constitue une véritable révolution dans le système éducatif français : en effet, à partir du moment où l’oral est pris en compte et évalué en tant que tel non seulement en LE mais également en LM, dès lors qu’il y a une prise de conscience institutionnelle de la nécessité d’intégrer l’oral comme composante à part entière digne de figurer dans les épreuves terminales du baccalauréat, il s’agit d’un changement de paradigme majeur dans le système éducatif.
Cela dit, et en dépit de cette évolution disciplinaire et contextuelle somme toute favorable, opter pour la « prononciation » et son enseignement ne va pas de soi. Ce numéro propose plusieurs axes de réflexion aux chercheurs et aux praticiens.
1. Enseigner… « la prononciation » ? La phonétique ? L’oral(ité) ?
Dans ce qui précède, il a été question non seulement de « prononciation », mais également de « phonétique », de « phonologie », ou d’« oral » entre autres. Le premier axe de ce numéro propose d’explorer, au-delà des questions terminologiques, ce que recouvrent ces appellations et la manière dont elles permettent d’appréhender l’enseignement de la prononciation d’une manière autrement plus globale qu’une simple « gymnastique articulatoire ».
• Comment appréhender ces différentes dimensions : « phonétique, phonologie, prononciation, oral », dans la classe de langue ?
• Comment les articuler les uns aux autres d’une part, et aux autres dimensions de la langue d’autre part ? Citons la graphophonologie (Berger, 2016 ; Abry & Berger, 2019), ou la morphophonologie (Abry et Veldeman-Abry, 2016), qui permettent une approche de la phonétique en la croisant avec le code graphique et ses règles, ou la morphologie, ou plus globalement les caractéristiques grammaticales de la langue en question.
• En outre comment tenir compte également d’une approche macro-linguistique en tirant bénéfice de la prosodie (intonation, rythme, etc…) (Guimbretière, 2000 ; Llorca, 1998) pour un enseignement optimal de la prononciation ?
• Quelle articulation entre le processus de production et les processus d’écoute / perception / compréhension dans les activités de classe ? (Carette, 2001 ; Lhote, 1995).
• Quel croisement par ailleurs avec la dimension kinesthésique : on sait que la macrokinésie (mouvements du corps dans son ensemble : gestualité, mimiques, attitudes) exerce un contrôle étroit sur la microkinésie (et les mouvements des articulateurs vocaux) (Llorca, 1998) ; enseigner la prononciation peut-il se faire en dehors d’une approche macrokinésique ?
• Enfin, quelles solutions pédagogiques inhérentes aux modalités d’enseignement et d’apprentissage de la prononciation et à la nécessité d’individualiser l’apprentissage : séquences de laboratoire de langue, apport du numérique, classe inversée, etc… ?
2. Des cadres théoriques aux pratiques pédagogiques
L’articulation entre la dimension théorique et les pratiques pédagogiques constitue le deuxième axe de ce numéro. Quels principes sous-jacents à l’enseignement de la prononciation en classe ? Les modèles théoriques de référence, peu nombreux, ont rarement été soumis à des protocoles expérimentaux rigoureux, et leur efficacité a rarement été confrontée à des expérimentations scientifiques incontestables (voir Harmegnies et al., 2005). Néanmoins, force est de constater que certaines approches ou méthodes demeurent une référence, avec un rayonnement plus ou moins important : la « méthode verbo-tonale de correction phonétique » (Renard, 1971 ; Billières, 2005) continue à avoir ses adeptes en français langue étrangère, malgré le fait que la désignation « correction phonétique » suscite beaucoup de réserves pour son approche normative de la langue. L’approche paysagiste de l’oral (Lhote, 1990) suscite un intérêt croissant : lorsque Lhote a introduit, à partir de la fin des années 1980, le concept de « paysage sonore » (Murray Scheaffer, 1979) dans le domaine des sciences du langage, elle l’a enrichi en y intégrant une réflexion sur le processus de perception multisensorielle, que ce soit en invoquant le comportement d’écoute » ou « l’horizon d’attente », ou à travers la mise en valeur de « l’interaction » dans l’enseignement de l’oral et la prise en compte de la dimension identitaire et culturelle, bien avant l’avènement du CECRL. D’autres méthodes, dites « non conventionnelles », telles que le « Silent way » de Caleb Gattegno attirent par leur dimension plurisensorielle, qui privilégie l’association des couleurs (donc la primauté de la perception visuelle) au signal sonore. Enfin, à la faveur de nouvelles pistes de recherche, certains auteurs explorent la « didactique cognitive » (Billières & Spanghero-Gaillard & Billières, 2005) ou encore une approche « holistique » (Dufeu, 2016 ; Abou Haidar, 2018).
Enfin, de nouvelles perspectives d’enseignement de la prononciation émergent dans le cadre de la « linguistique de corpus » ou de la « phonologie de corpus » (Durand et al., 2005). Les travaux de recherche sur les corpus oraux de natifs ou d’apprenants se développent en accordant une importance croissante aux applications didactiques potentielles : citons les projets PFC-FLE, émanation de PFC « phonologie du français contemporain » (Durand et al. 2002), IPFC (interphonologie du français contemporain, Detey, Racine et al. 2010), ou CLAPI-FLE (corpus de langues parlées en interaction http://clapi.ish-lyon.cnrs.fr/), développé au sein du laboratoire lyonnais ICAR.
Les contributions proposées dans ce deuxième axe chercheront à se positionner à travers les interrogations suivantes :
• Quelles sont les nouvelles orientations de recherche dans le domaine de l’enseignement de la prononciation ?
• Assiste-t-on à l’émergence de nouveaux cadres théoriques inspirés par le terrain ?
• Ces travaux de recherche sont-ils transposables (et sont-ils transposés) au niveau des pratiques pédagogiques ?
• Comment conditionnent-ils les choix opérés par les enseignants, les auteurs de manuels, les éditeurs, etc., quant aux principes pédagogiques qui régissent les pratiques de classe ?
3. Appréhender la variation
Le troisième axe est consacré à la prise en compte de la variation dans l’enseignement de la prononciation. Cet axe se décline en plusieurs orientations. Tout d’abord la question de la/des normes de référence est posée par de plus en plus d’auteurs (Detey & Racine, 2012 ; Racine et al., 2012) :
• Les enseignants visent-ils un standard spécifique à travers l’enseignement de la prononciation ?
• Quelles sont les attentes des apprenants ? Quelles représentations ont-ils du concept de « norme de référence », quelles sont leurs aspirations en termes de compétence phonétique et phonologique ?
• Comment les enseignants pondèrent-ils entre les différentes variétés de langue auxquelles sont confrontés les apprenants : les manuels, la production de l’enseignant, les diverses ressources numériques et audiovisuelles, etc. ?
Cela nous amène au deuxième volet de cet axe : la nécessaire prise en compte de la variation en classe (Paternostro, 2014 ; Tyne, 2012) :
• Comment enseignants, apprenants, mais aussi auteurs de manuels et éditeurs, appréhendent-ils la variation dans les processus d’enseignement et d’apprentissage ?
• Quelle entrée et quels types de supports sont-ils exploités sur le plan pédagogique ?
• Les corpus oraux de natifs et d’apprenants constituent-ils des ressources appropriées pour une exploitation innovante en classe de langue ?
• Permettent-ils de contourner les schémas traditionnels d’enseignement de normes phonétiques et phonologiques déconnectées des usages et des contextes ?
• Pour finir, peut-on intégrer et valoriser le « Foreign Accented Speech » (Henderson, 2019 ; Magen, 1998) sur le plan didactique : quels en seraient les enjeux sociaux, identitaires, culturels ? Les travaux sur le « Foreign Accented Speech », ainsi que ceux de la « phonologie de corpus », entre autres, peuvent-ils contribuer à faire en sorte que la variation soit la référence dans l’enseignement de la prononciation ?
Ce numéro accueillera deux types de contributions :
• des articles de recherche, portant sur des développements conceptuels et méthodologiques : études de cas, analyses de manuels et de matériel didactique, expérimentations dans le cadre de protocoles scientifiques spécifiques, analyse de pratiques enseignantes déclarées et/ou constatées en classe de langues vivantes ;
• des récits et analyses d’expériences pédagogiques : analyse d’activités ou de tâches, ou de dispositifs d’enseignement et de formation. Ces textes préciseront les principes pédagogiques retenus, les objectifs, le déroulement des séquences, les modalités de travail, les consignes données, les difficultés rencontrées, les plus-values, et feront part des résultats et des prolongements envisagés.