« Figures huguenotes dans les Amériques », sous la direction de Mickaël Augeron, Presses Universitaires de Rennes, 20€.
Le livre coordonné par Mickaël Augeron traite de manière limpide la question de l’influence du protestantisme français sur les sociétés du continent américain, Canada et Etats-Unis bien sûr, mais aussi les Antilles et le Brésil.
Dans son introduction générale, Mickaël Augeron explique la pertinence de l’ouvrage. Si le nombre de calvinistes français établis en Amérique juste avant et après la révocation de l’édit de Nantes (1685) a été assez faible (4 000 aux Etats-Unis, quelques centaines sur les autres territoires) comparativement au nombre d’exilés dans les pays européens anglicans ou protestants, l’impact de leur migration sur la conscience américaine a été majeur. Cela est dû au fait que cette migration a rencontré tout au long de son histoire, du 17e siècle à nos jours, différents mythes et mythologies américains. Le premier, fondateur, est celui du « refuge », la possibilité de vivre sa foi en toute liberté sur une terre considérée comme vierge. Ensuite, le désir américain de racines, à l’œuvre dans les nombreuses et diverses formes de commémorations évoquées dans le livre : toponymes, érection de croix, de statues, préservation de bâtiments historiques, plaques commémoratives, mises en scène touristiques en costumes. Enfin, le culte du self-made man, qui met en avant et en scène la réussite spectaculaire de certains personnages, en passant sous silence l’esclavage et la spoliation des Amérindiens sur lesquels cette réussite se fonde.
Comme le titre l’indique, l’ouvrage s’intéresse à des figures de huguenots ou de descendants de huguenots, célèbres dans le Nouveau ou dans l’Ancien Mondes, là en fait où la fortune de ces figures se manifeste de la manière la plus voyante par les objets commémoratifs qui nous sont parvenus ou les bâtiments qui subsistent. Les différents auteurs s’attachent à faire la part du mythe et de la vérité. On ne citera que deux exemples, celui de Pierre Dugua (ou du Gua, ou du Gas), « vrai fondateur » de l’Acadie et de Québec, oublié en faveur de son lieutenant Samuel de Champlain « parce qu’il n’a jamais renoncé à sa foi calviniste, anathème dans une société longtemps dominée par l’Eglise catholique », et celui de David Crockett, trappeur avide et soudard sans scrupules, pour qui on a inventé une généalogie fictionnelle, française, protestante et noble, qui a alimenté séries télévisées et westerns aux Etats-Unis et articles dans la presse locale française.
Chacune de ces figures fait l’objet d’un des articles du livre, écrits pour certains en anglais. Cela rend l’ouvrage particulièrement intéressant et utile pour les professeurs d’anglais, qui y puiseront informations et témoignages pour traiter les axes « Le passé dans le présent » et surtout « Territoire et mémoire » ou « Fictions et réalités ».
Jean-Luc Breton