Pascal Bouvet, « La phonologie de l’anglais », Editions Belin, 21€
Ce livre, de la collection « Guides de l’enseignement », est à la fois un ouvrage théorique, un guide pratique et un traité de didactique, et le tour de force que réalise Pascal Bouvet est de réussir dans les trois domaines sans pour autant perdre ou ennuyer ses lecteurs.
Le premier chapitre, « Identifier les connaissances et compétences phonologiques à acquérir de l’école maternelle au lycée », rassemble tous les textes officiels en vigueur, le cadre européen (CECRL) et son volume complémentaire de 2018 ainsi que le portfolio pour les enseignants de langue, c’est-à-dire toute la gamme des éléments qui constituent le cadre de nos métiers, professeur des écoles polyvalent, professeur de collège ou de lycée. Ce chapitre sera donc un outil très bénéfique pour mettre en perspective les pratiques des enseignants par rapport aux attentes de l’institution. Le fait que tous ces textes soient rassemblés en 70 pages, puis résumés sous forme de fiches par éléments de discours dans le deuxième chapitre, épargnera aux professeurs bien des recherches laborieuses sur les sites ministériels.
Les trois autres chapitres du livre sont un véritable traité de phonologie de l’anglais, avec de très nombreuses références, beaucoup traduites de l’anglais par Pascal Bouvet lui-même, et de très nombreux exemples, qui permettent d’attirer sans cesse l’attention du lecteur sur les réalités de la langue et les divergences ou les hiatus avec les représentations qu’il peut en avoir.
Evidemment, un traité de phonologie ne peut jamais se lire comme un roman policier, mais le livre de Pascal Bouvet est loin d’être une somme théorique fastidieuse, parce que l’auteur est professeur lui-même et qu’il étaye constamment son discours théorique de fiches pratiques et de considérations didactiques et pédagogiques, qui animent et actualisent son propos.
Le savoir théorique présenté dans « La phonologie de l’anglais » n’est pas destiné à faire l’objet d’un cours devant des élèves du primaire ou du secondaire, et l’auteur le rappelle fréquemment. Il s’agit d’un savoir « savant » destiné à faciliter la prise de recul des enseignants devant la réalité de la langue et de la culture qu’ils enseignent et qui oriente leur réflexion vers un niveau qui dépasse largement celui de leurs élèves, ce qui est logique, mais aussi celui du discours doxique ambiant, si simplificateur. Par exemple, même si on ne parle jamais des différentes catégories de voyelles à nos élèves, savoir que la forme réduite /Ə/ vers laquelle elles tendent toutes dans les syllabes inaccentuées occupe une position centrale dans la cavité buccale nous aidera à leur proposer une remédiation ciblée pour certaines de leurs erreurs de prononciation.
Pascal Bouvet a l’honnêteté louable d’aborder ouvertement et plusieurs fois la question de comment le professeur doit se situer par rapport à une sensibilisation à ou un enseignement de la phonologie. D’ailleurs, il ne craint pas de citer certains linguistes qui pensent que la phonologie est inenseignable. Il ne s’agit pas pour lui de réfuter leurs thèses, mais tout simplement de donner aux professeurs démunis face aux erreurs récurrentes de leurs élèves tous les outils possibles. C’est ce qu’il fait en particulier dans des rubriques spécifiques, « De la théorie à la pratique », où il présente de manière simple et limpide des dizaines de pistes d’activités et de tâches entièrement ou partiellement phonologiques, qui faciliteront la réflexion et stimuleront l’inventivité des professeurs d’anglais, depuis les jeux de classement de sons du cycle 1 jusqu’à la mise en scène d’extraits de romans en spécialité LLCER.
C’est la polyvalence même de ce livre qui le rend précieux : qu’on y cherche des explications théoriques, des pistes de mise en œuvre sur le terrain ou des aides pour enseigner dans le cadre d’approches communicatives, on trouvera dans « La phonologie de l’anglais » ce que cette langue nomme si joliment « food for thought »… and practice !
Jean-Luc Breton