Anne Goarzin, professeure spécialiste de littérature anglaise et irlandaise, a donné son « clic de l’APLV » le jeudi 7 avril sur le chef d’œuvre de Jonathan Swift, « Les Voyages de Gulliver »
Méconnu et souvent limité à sa première partie, le texte de Swift mérite une exploration plus profonde. Anne Goarzin nous a rappelé que Swift était avant tout un pamphlétaire et qu’il écrivait un peu avant l’invention du roman, ce qui signifie que, plutôt qu’un roman d’aventures, « Les Voyages de Gulliver » est un objet littéraire au carrefour de deux traditions, celle du pamphlet et celle du récit de voyages. Au premier genre, Swift emprunte la verve, l’énergie, le goût pour la parodie et la satire, au second les errances du héros dans les mondes les plus imprévus, voire dans les vides des cartes incluses dans le texte.
Anne Goarzin s’est aussi attachée à nous aider à comprendre en quoi cette œuvre pleine d’allusions aux querelles politiques et religieuses de la charnière entre les 17e et 18e siècles n’a jamais cessé d’être éditée et lue et peut nous interpeler encore. Une des pistes qu’elle a tracées est celle de l’indignation de Swift. L’écrivain a, durant toute sa vie, fait des choix politiques plutôt réactionnaires, mais s’est aussi toujours révolté contre l’oppression, pourfendant dans ses écrits les entraves à l’éducation, les restrictions des libertés, les inégalités de propriété, tous phénomènes impliqués dans la pauvreté et la famine, l’esclavage, le colonialisme, auxquels l’Irlande était en butte.
La conclusion du livre pose la question de la misanthropie de Swift, dont Gulliver serait alors le porte-parole. Anne Goarzin nous rappelle que « Les Voyages de Gulliver » n’est pas un roman, ni même un conte philosophique, et qu’il ne faut peut-être pas voir dans la retraite finale de Gulliver dans son écurie à l’écart des humains une conclusion morale. Dans son refus du jugement manichéen sur les comportements humains, dans son refus de l’ancrage géographique même, Swift avait sans doute le désir de produire un texte qui résiste et qui de ce fait met l’homme devant sa destinée d’échouer constamment et de recommencer toujours.
Nous essayons de trouver un intervenant sur le monde post-soviétique pour le jeudi 21 avril. Si nous n’y parvenons pas, le prochain clic de l’APLV aura lieu le 12 mai. Les trois derniers clics de l’année seront consacrés à :
Diglossies dans le monde arabe, le jeudi 12 mai, par Farid Jaber ;
Les Arabes aux Etats-Unis : statut, images, mythes, le jeudi 2 juin, par Taoufik Djebali ;
L’enseignement et l’apprentissage des caractères de l’écriture chinoise, le jeudi 16 juin, par Ying Zhang-Colin.