Le dossier de ce numéro 3/21, « Penser, enseigner, apprendre le vocabulaire », a été coordonné par Dorota Sikora, que je remercie chaleureusement au nom de toute l’équipe de la revue, pour son efficacité et son investissement. Les six articles et le compte-rendu d’ouvrage qu’il réunit portent des regards variés, et complémentaires, sur la question des apprentissages lexicaux. À l’intersection des domaines de recherches didactiques, lexicologiques et sémantiques, le dossier propose des passerelles particulièrement stimulantes pour les enseignants de langue, entre études théoriques sur le vocabulaire et pratiques de classe. Il permet aussi de mettre en lumière les continuités entre langues premières et langues secondes et étrangères en matière d’enseignement / apprentissage du lexique.
Les archives des Langues Modernes, accessibles sur Gallica (gallica.bnf.fr), témoignent de l’intérêt porté, tout au long de l’histoire de la revue, à la question du vocabulaire. Cet intérêt se manifeste dès la première année de sa parution : dans le numéro 10, paru en décembre 1907, est ainsi recensé un ouvrage (M. Walter, Aneignung und Verarbeitung des Wortschatzes im neusprachlichen Unterricht. Marburg, Elwert, 1907) qui, précisément, « établit quelques règles qui constituent un guide pour le professeur dans l’enseignement du vocabulaire » (p. 387). L’auteur de l’ouvrage y insiste sur l’importance de « présenter à l’élève un mot dans un sens précis, complet, et dans un organisme vivant : la phrase et le contexte », et sur l’absolue nécessité « de présenter à l’enfant un vocabulaire coordonné logiquement ». Explication orale et conversation permettront de fixer le vocabulaire dans la mémoire, et grâce à l’enseignement « par actions » :
« peu à peu, l’élève parlera et se servira de la langue étrangère pour exprimer les actes qu’il exécute, et il n’agira plus sans traduire le geste par le langage » (ibid.).
Au fil des numéros, cet intérêt pour le vocabulaire est très régulièrement présent, et on ne pourrait, dans le cadre limité d’un éditorial, recenser toutes les fois où cette thématique est évoquée. On se contentera d’un coup de projecteur sur un autre numéro (n°1, janvier-février 1948), paru 40 ans plus tard, où est proposé le compte-rendu d’une conférence tenue par « M. Mossé, Professeur au lycée Louis Le Grand et directeur d’Études à l’École Pratique des Hautes Études » qui, a contrario de méthodes qui « lancent l’élève dans l’océan des mots » (p. 89), se range du côté de ceux qui réclament « plus de rigueur et de méthode dans l’enseignement du vocabulaire » (p. 90). Son exposé rend compte de recherches qui « ont eu pour guide les principes suivants » :
« 1/ enseigner le vocabulaire courant avant d’aborder les mots les plus rares ; et pour cela :
2/ essayer de déterminer méthodiquement quels sont, dans une langue donnée, les mots les plus usuels ;
3/ déterminer ainsi, dans l’océan des mots, l’étendue de la tranche de vocabulaire usuel » (p. 90-91).
Autant de principes qui, en définitive, font écho à nombre d’interrogations présentes dans les articles réunis au sein du présent numéro.
Celui-ci marque aussi le départ de Laure Peskine du comité de rédaction de la revue. Lorsque j’ai succédé à Émilie Perrichon, comme rédactrice en chef, Laure Peskine, alors rédactrice en chef adjointe, avait généreusement proposé de m’accompagner pour l’édition des numéros en cours. Cette aide a été précieuse, et m’a permis de prendre conscience de la quantité et de la qualité du travail effectué par Laure Peskine pour les Langues Modernes, au sein du comité de lecture, dans le suivi des corrections des articles, dans la gestion de la présence en ligne de la revue. Je soulignerai aussi, à cette occasion, le rôle actif qu’elle a joué au sein de l’aplv, et son implication dans la vie des Langues Modernes. C’est pourquoi, de manière exceptionnelle, dans ce numéro, le « clic » de Benoît Cliquet est, précisément, un clin d’œil à Laure, que je tiens à remercier, au nom de toute l’équipe éditoriale de la revue.
Pour terminer, grâce à l’engagement de toute l’équipe de rédaction, des coordinatrices et des auteurs, le rythme de parution des Langues Modernes reprend peu à peu un cours normal. Le présent numéro et le suivant (coordonné par Astrid Guillaume, et qui abordera l’impact de la crise sanitaire et du confinement sur l’enseignement / apprentissage des langues) permettront de clôturer l’année 2021. Nous vous remercions très sincèrement pour votre compréhension, et nous vous invitons à vous abonner ou vous réabonner pour l’année 2022, au cours de laquelle quatre numéros vous seront proposés, renouant ainsi, nous l’espérons, avec le calendrier habituel de la revue, bouleversé par les circonstances exceptionnelles de la crise sanitaire.
Je vous souhaite une excellente lecture.