En décembre 2021 était diffusé un appel à articles pour un dossier des Langues Modernes, intitulé « Littérature et multimodalité en classe de langue : quels enjeux ? quelles pratiques ? ». Marie-Pascale Hamez (qui a été rédactrice adjointe de la revue de 2007 à 2012, puis rédactrice en chef de 2011 à 2014) y sollicitait « des réflexions et des analyses d’expériences pédagogiques centrées sur la lecture et la création multimodales d’œuvres littéraires en classe de LVE ». Parmi les nombreuses propositions reçues en réponse à cet appel, huit articles ont été sélectionnés, et ont permis de constituer le dossier riche et stimulant qui vous est donné à lire dans le présent numéro.
Les archives en ligne des Langues Modernes (accessibles sur gallica.fr) donnent à voir que, depuis longtemps, les textes littéraires sont abordés, dans la classe de langue par le biais de la multimodalité. Ainsi, dès 1910, un article intitulé « Le phonographe dans l’enseignement » a fait le point sur les « deux sortes de services » que le professeur de langue peut demander au phonographe, ce dernier pouvant servir à « faire l’éducation de la voix et de l’oreille », « également à l’éducation esthétique ». Et son auteur, G. Gromaire, illustre son propos par une anecdote tirée de son expérience personnelle :
« Mes élèves avaient étudié avec le plus grand soin les Deux Grenadiers, de Heine ; ils avaient appris cette pièce par cœur. Je fis alors marcher le phonographe et entendre la célèbre poésie chantée par Hermann Gura, du théâtre de Schwerin, avec la mélodie de Schumann. Toute la classe fut saisie d’un véritable enthousiasme, et un des élèves me remercia au nom de ses camarades du plaisir que je leur avais procuré. Grâce à la préparation au préalable, tout avait été compris. La musique avait commenté et renforcé la valeur de l’œuvre littéraire, il ne restait plus rien de livresque ni de scolaire dans l’impression produite ; la jouissance esthétique complète était atteinte. »
Ces « voies multimodales d’enseignement/apprentissage de la littérature » (Lacelle et Boutin, 2015) suscitent un intérêt croissant depuis quelques années, notamment lorsqu’elles mettent en œuvre des nouvelles formes de multimodalités, et plus particulièrement des dispositifs numériques. Dans les cinq dernières années, deux dossiers, que j’ai eu l’opportunité de coordonner, ont déjà été consacrés au lien entre littérature et enseignement/apprentissage des langues : « Texte littéraire et enseignement des langues : pratiques de terrain » (n° 4/2017) et « Texte littéraire et enseignement des langues : enjeux formatifs » (n° 1/2018) et un dossier, dont j’ai assuré la coordination avec José Manuel Ruiz, s’est intéressé à « Littérature jeunesse et enseignement des langues » (n° 2/2019). La question de la multimodalité s’y trouvait évoquée : l’introduction du n° 1/2018 soulignait par exemple que les articles proposés se faisaient « l’écho des tendances actuelles de la didactique du texte littéraire en classe de langue », à savoir : « diversification des corpus, intérêt pour les littérature multimodales et numériques, pour les écritures plurilingues, prise en compte de la subjectivité des lecteurs, accent mis sur une réception “active” des textes », ou bien celle du n° 2/2019 soulignait l’intérêt de la littérature de jeunesse « dont les dimensions multimodales et transmédia offrent de nombreuses ressources pour l’enseignement des langues ».
Néanmoins, cette entrée multimodale, et numérique, dans les textes littéraires ne constituait alors qu’une piste – parmi d’autres. Ce n° 4/2022 présente un focus sur ces questions, et prend à bras-le-corps les enjeux qu’elle soulève : c’est ce qui en constitue l’intérêt, la nouveauté, et l’originalité. L’introduction offerte par Marie-Pascale Hamez propose une synthèse très documentée des travaux de recherche relatifs à la mobilisation de supports multimodaux et/ou numériques pour enseigner la littérature ; elle ouvre aussi de nouvelles pistes de réflexion, dans la mesure où elle s’intéresse au contexte particulier de la classe de langue, dont les travaux antérieurs n’ont pas nécessairement pris en compte les spécificités. Les huit articles du dossier donnent à lire des expériences qui témoignent de la diversité des associations possibles entre littérature, multimodalité, numérique et enseignement/ apprentissage des langues et, sans nul doute, vous y trouverez matière à découverte et réflexion.
Enfin, ce numéro est l’occasion pour toute l’équipe de la revue de vous présenter nos meilleurs vœux, dans l’espoir que, malgré une actualité souvent sombre, cette nouvelle année vous apportera joie et sérénité. Notre prochain numéro (n° 1/23, à paraître en mars) nous permettra de renouer avec le calendrier habituel des Langues Modernes : il sera intitulé « L’enseignement de l’arabe dans les établissements français : bilan et perspectives ». Le coordination en est assurée par Marie-Hélène Avril.
Je vous souhaite une excellente lecture.