Les professeurs de langues vivantes enseignant en lycée sont souvent surpris du faible niveau de leurs élèves à l’entrée en seconde. Les apprentissages fondamentaux ne sont pas toujours maitrisés en fin de cycle 4 et les lacunes semblent s’accumuler au fil des ans. Plus globalement, on déplore souvent le faible niveau des élèves français en langues vivantes.
J’ai récemment rencontré des collégiens et des professeurs de collège pour analyser les effets des réformes successives qui ont fragilisé l’enseignement des langues vivantes étrangères et régionales à ce niveau. Malgré un discours ministériel qui prétend encourager le développement des langues enseignées, la compétence semble malheureusement en recul dans de nombreux établissements.
Voici quelques réalités qui expliquent cette situation. Les conditions d’enseignement se sont dégradées, les enseignants étant sommés de mettre en place des programmes qui ne fonctionnent pas pour diverses raisons : objectifs impossibles à atteindre, manque de motivation et manque de confiance des élèves, horaires réduits en LV2, classes surchargées, obsession de l’évaluation, etc. Certains élèves ne perçoivent pas sur le moment les enjeux liés à ces années cruciales qui contribuent à la construction de leurs savoirs et de leur personnalité et les amènent progressivement à apprendre et à enrichir leur culture et leur niveau de langue(s), à franchir les étapes vers l’âge adulte.
Le manque de motivation est le point le plus souvent mentionné par les professeurs, suivi par le peu d’appétence des élèves pour les apprentissages. En fait, les élèves ont un rapport inédit aux savoirs par le biais des nouvelles technologies, et leur travail reste superficiel et insuffisant pour acquérir les connaissances et les méthodes nécessaires pour progresser.
Les professeurs enseignent le plus souvent dans des classes surchargées avec un effectif autour de 30 élèves malgré les annonces ministérielles de classes à 24. Cela compromet la transmission du savoir, que ce soit en classe entière ou dans les activités réalisées en groupes quand c’est possible. Les aspects linguistiques et culturels inhérents aux apprentissages en langues vivantes sont essentiels et doivent être intégrés pour acquérir de la pertinence car apprendre une langue, c’est aussi entrer dans sa culture. Ensuite, il faut oser parler et nos collégiens ne sont pas habitués à le faire pour de nombreuses raisons, par timidité, par absence de motivation ou par peur du groupe, ou simplement parce que cela ne leur correspond pas.
Le professeur est bien seul face à ces évolutions. Or son rôle de pédagogue est essentiel et il ne doit pas se réduire à être bienveillant. Il se trouve face à des attitudes de refus de travail ou d’accomplir la tâche demandée, tout cela ponctué quelquefois de « ça me gonfle » ou autre abus de langage. Il est évident que ces problèmes de discipline seraient résolus si des postes supplémentaires étaient octroyés au collège pour mieux encadrer les élèves dans leurs activités et contribuer à leur réussite de façon plus sereine pour tous. La volonté louable d’inclure dans le groupe-classe des élèves dys-, autistes ou autres enfants à potentiel réduit ou à haut potentiel se heurte au manque d’assistants et de personnel spécifique pour les aider. La charge de travail se reporte souvent sur le professeur quand l’AESH 1 ou le soutien est absent. Cela devient une tâche supplémentaire qui est souvent chronophage et qui perturbe le fonctionnement des cours. Cette prise en charge, la multiplication des tâches administratives informatisées et les heures de concertation et de contacts avec les familles ne sont pas comptabilisées dans les services des enseignants.
Il est urgent de réaffirmer l’adhésion à la méthodologie actionnelle. L’aspect collaboratif de la perspective actionnelle est essentiel. En effet, les élèves apprécient de mener à bien une tâche dans un contexte moins artificiel et plus interactif, en utilisant des outils langagiers fournis par le professeur. Ils sont chargés d’une mission et deviennent les acteurs de leurs apprentissages. Ils sont actifs au sein de leur groupe pour participer à la réussite de la tâche par l’intermédiaire d’activités langagières.
La réussite et le plaisir d’apprendre nécessitent un effort financier. Il est urgent de former des professeurs et de créer des postes supplémentaires. Il faut des classes moins chargées et davantage de moyens pour l’Éducation Nationale.
Je vous souhaite une bonne lecture du dossier « Confinement et langues 2/ : l’humain au cœur de la crise », coordonné par Astrid Guillaume.