La réélection d’Emmanuel Macron le 24 avril 2022 restera l’événement de ce printemps. Il aura fort à faire pour diriger un pays divisé, aigri, qui doit faire face à une crise économique et sociale. Quand vous lirez cette note l’année scolaire et universitaire sera presque terminée, avec son cortège d’examens oraux et écrits, et un nouveau ministre de l’Éducation.
À ce propos, l’APLV a observé une baisse significative des postes proposés aux concours de recrutements en LVER à tous les niveaux d’enseignement, mais surtout au CAPES au cours des dernières années. Comment expliquer ce recul ? Dans un contexte d’augmentation de la population scolaire, le système a besoin de professeurs en plus grand nombre pour fournir un encadrement de qualité.
Ces évolutions liées à la démographie étaient prévisibles. L’APLV a sans cesse alerté le ministère par courrier et en audience en insistant sur le fait qu’il fallait recruter plus de professeurs de langues, pas moins de professeurs de langues. Par exemple, le nombre des postes au CAPES et à l’agrégation externes sont à la baisse pour les quatre langues les plus étudiées. Et ceci alors que les effectifs ont augmenté à chaque rentrée pour les années 2018 à 2022.
Il faut prévoir au plus vite une augmentation importante des recrutements, c’est-à-dire des postes au CAPES et à l’agrégation. Le rapport de la commission Manès-Taylor, chargée de proposer au ministre de l’Éducation nationale des pistes d’amélioration des performances des élèves en LVER, préconisait, entre autres mesures, la diminution des effectifs en cycle terminal, et suggérait, en s’abritant derrière les demandes de la profession, l’augmentation de l’horaire à trois heures hebdomadaires [1].
On peut penser que le ministère ne pourra pas diminuer encore davantage les horaires, déjà réduits à presque rien dans les séries technologiques, ni augmenter de manière sensible les effectifs. De toute évidence, la seule mesure qu’il aura à sa disposition pour compenser la baisse du nombre de professeurs sera une diminution de l’offre d’enseignement, en l’occurrence de l’offre des spécialités « Langues, Littératures et cultures étrangères » en lycée général. Ce sont d’ailleurs les quatre langues qui peuvent être choisies en spécialité dans le lycée réformé qui subissent la plus forte érosion en nombre de postes, et cela n’est sans doute pas un hasard. Les langues régionales ou langues faiblement représentées, enseignées en LVC, risquent de disparaitre vu la complexité du choix des options. Il faut donc espérer que le flou qui persiste sur cette réforme soit levé.
Pendant tout le processus d’élaboration de la réforme du lycée et du baccalauréat, l’APLV a argumenté en faveur d’un enseignement de spécialité pour tous les élèves, y compris ceux qui ne se sentent pas très attirés par la littérature et les arts, et il apparaît aujourd’hui que la diminution du nombre de postes aux concours dans les langues va à moyen terme mettre en cause l’existence même des spécialités, y compris pour les élèves se destinant à des études littéraires. Quant au recours annoncé à des contractuels pour pallier le manque d’enseignants titulaires, la réalité du terrain fait qu’il est très difficile d’en recruter loin des villes universitaires, et que, même dans ce cas, les étudiants susceptibles de devenir contractuels préfèrent le plus souvent préparer sereinement les concours plutôt que prendre un poste qui risquerait d’hypothéquer leur réussite, vu l’investissement que le métier d’enseignant requiert, notamment lors des premières années d’exercice et a fortiori quand on a reçu une formation très allégée, voire pas de formation [2].
Faire des économies est une logique à courte vue, qui ne permettra ni d’assurer la réussite de la réforme du lycée et du baccalauréat, ni de préparer les générations à venir aux défis d’un monde de plus en plus ouvert, où la connaissance des autres, de leurs langues et de leurs cultures, est un enjeu de civilisation et de réussite personnelle, économique et sociale.
Je vous souhaite une excellente lecture de ce dossier, coordonné par Marie-Christine Anastassiadi et Marina Vihou : Nouvelles formes brèves et classe de langue.